(Moscou) La famille d’Alexeï Navalny et des sympathisants ont rendu mardi hommage à l’ancien détracteur numéro un de Vladimir Poutine, 40 jours après sa mort en prison, une étape dans la religion orthodoxe vers la vie dans l’au-delà.

Dans le rite orthodoxe, l’âme du défunt doit être purifiée durant cette période après la mort. À l’issue des 40 jours, une commémoration a lieu pour que les prières de la famille et des proches aident l’âme à atteindre le paradis.

Au cimetière de Borissovo, dans le sud-est de Moscou, des dizaines de partisans de l’opposant décédé en prison dans des circonstances restées opaques le 16 février ont apporté des fleurs et se sont recueillis devant sa tombe dans la matinée, a constaté une journaliste de l’AFP.

Artiom, un jeune homme de 28 ans, se dit toujours « dévasté » un mois et demi après la mort de celui « qui incarnait l’avenir brillant de notre pays et la Russie que nous voulons tous voir » un jour.

Il assure toutefois avoir « de l’espoir » grâce à Ioulia Navalnaïa, la veuve du militant anticorruption, qui a dit reprendre le flambeau de son mari dans sa lutte contre Vladimir Poutine et ses proches.

En exil, Ioulia Navalnaïa, qui ne peut se rendre en Russie de crainte d’y être arrêtée, a publié un message sur les réseaux sociaux.

« Aujourd’hui, 40 jours se sont écoulés depuis l’assassinat d’Alexeï », a-t-elle écrit sur X, remerciant « tous ceux qui se souviennent ».

Devant le cimetière, Anna, une jeune fille de 24 ans visiblement très émue, estime elle que la mort de l’opposant mi-février a rendu ses sympathisants plus forts.

« Nous avons réalisé que bien qu’Alexeï ne soit plus là, nous ne sommes pas seuls », veut-elle croire.

Un sentiment partagé par Tatiana, une institutrice de 50 ans qui dit avoir perdu son travail pour s’être opposée à l’assaut russe en Ukraine : « Il y a d’abord une grande tristesse, un espoir qui meurt… Mais d’un autre côté, cette personne devient déjà une référence morale absolue ».

« Un héros »

Mardi matin, la mère d’Alexeï Navalny, Lioudmila, a été aperçue au cimetière de Borissovo, accompagnée d’Alla Abrossimova, mère de la veuve du défunt, Ioulia Navalnaïa. Les deux femmes étaient habillées en noir.

Le père de l’opposant, Anatoli, s’est lui aussi recueilli sur place.

PHOTO OLGA MALTSEVA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Lioudmila Navalnaya et Anatoly Navalny, parents de Alexeï Navalny

La sépulture surmontée d’une grande croix en bois était recouverte de fleurs et de couronnes.

Irina Loukachova, une retraitée de 65 ans, déjà présente lors des funérailles de l’opposant, est revenue mardi pour rendre hommage à un homme « courageux, merveilleux ».

« C’est un héros », assure-t-elle, des sanglots dans la voix. Si elle se dit « horrifiée » par la situation actuelle du pays, elle promet : « Le bien l’emportera tout de même ».

Les autorités russes ont affirmé que Navalny est mort de causes naturelles en prison, alors que ses proches jugent que l’opposant, qui avait déjà survécu à un empoisonnement et était affaibli par des conditions de détention très rudes, a été tué.  

Mardi, Ioulia Navalnaïa a également relayé une chanson qui célèbre la vie de son mari : « L’obscurité ne nous fait pas peur, Liocha (diminutif d’Alexeï, NDLR), nous n’abandonnerons pas », dit notamment le texte.  

Mi-mars, après la réélection sans opposition de Vladimir Poutine, elle avait appelé à « ne pas céder » et à « aller de l’avant ».

Le Kremlin mène une répression sans merci de tous ses détracteurs, ne tolérant plus aucune critique en particulier depuis le déclenchement de l’assaut contre l’Ukraine en février 2022.