(Paris) De nouveaux éléments sont régulièrement diffusés depuis l’attaque qui a fait au moins 139 morts vendredi soir dans une salle de concert en banlieue de Moscou, revendiquée par le groupe djihadiste État islamique (EI).

Cet attentat est le plus meurtrier en Russie depuis une vingtaine d’années et le pire revendiqué par l’EI sur le sol européen. Voici ce que l’on en sait quatre jours après :

Fusillade et incendie

Vendredi 22 mars vers 20 h 15 à Moscou (13 h 15 heure de l’Est), les médias russes commencent à faire état d’une attaque au Crocus City Hall, une salle de concert de 6000 places à Krasnogorsk, à la sortie nord-ouest de la capitale russe.

Celle-ci a duré 13 minutes, entre 19 h 58 et 20 h 11 heures locales, avant le départ des assaillants, a précisé lundi soir le chef du Comité d’enquête, Alexandre Bastrykine, au cours d’une réunion gouvernementale avec le président russe Vladimir Poutine.

Le nombre des victimes s’est accru au fur et à mesure des recherches dans les décombres. Selon le dernier bilan connu lundi soir, la tuerie a fait au moins 139 morts et 182 blessés.

Le Comité d’enquête affirme que ses auteurs ont utilisé des « armes automatiques » et incendié le bâtiment à l’aide d’un « liquide inflammable ». Les policiers ont retrouvé quelque 500 balles, deux fusils d’assaut kalachnikov et 28 chargeurs sur les lieux de la tragédie, précisant qu’ils appartenaient « aux assaillants ».

D’après le ministère des Situations d’urgence, les pompiers ont évacué une centaine de personnes du sous-sol de la salle. Des sauvetages ont été réalisés sur le toit « à l’aide d’équipements de levage ».

L’ambassade des États-Unis en Russie avait averti deux semaines auparavant les ressortissants américains que des « extrémistes (avaient) des plans imminents » en vue de « cibler de grands rassemblements à Moscou, y compris des concerts ».

M. Poutine avait qualifié de « provocation » ces mises en garde américaines.

La Maison-Blanche a affirmé que ces renseignements avaient été partagés avec les autorités russes.

« Si les États-Unis disposent ou disposaient de données fiables à ce sujet, ils doivent les transmettre immédiatement à la partie russe », avait réagi vendredi la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova.

Les autorités russes avaient annoncé le 3 mars avoir tué six combattants présumés de l’EI en Ingouchie, une petite république du Caucase en majorité musulmane.

L’EI revendique, Moscou accuse Kyiv et les Occidentaux

Le groupe État islamique a revendiqué l’attentat dès vendredi soir, expliquant le lendemain sur Telegram qu’il avait été commis « par quatre combattants de l’EI armés de mitrailleuses, d’un pistolet, de couteaux et de bombes incendiaires » et s’inscrivait « dans le contexte […] de la guerre faisant rage » entre l’EI et « les pays combattant l’Islam ».

M. Poutine a reconnu lundi pour la première fois que l’attentat avait été perpétré par des « islamistes radicaux », tout en continuant d’évoquer une piste ukrainienne rejetée par Kyiv et les Occidentaux.

Mardi, Nikolaï Patrouchev, le puissant secrétaire du Conseil de Sécurité russe, a insisté une nouvelle fois sur le fait, selon lui, que « bien sûr », l’Ukraine était responsable.

« Nous pensons que l’action a été préparée à la fois par des islamistes radicaux eux-mêmes et, bien entendu, facilitée par les services secrets occidentaux, et que les services secrets ukrainiens eux-mêmes sont directement impliqués », a pour sa part affirmé mardi le directeur des services de sécurité russes (FSB), Alexandre Bortnikov.

Samedi, M. Poutine avait assuré, reprenant la version du FSB et sans mentionner la revendication de l’EI, que « les quatre auteurs » du massacre avaient été arrêtés tandis qu’ils « se dirigeaient vers l’Ukraine où, selon des données préliminaires (des enquêteurs), une “fenêtre” avait été préparée pour qu’ils franchissent la frontière ».

L’Ukraine et une unité de combattants alliés à l’Ukraine à l’origine de récentes incursions terrestres armées en territoire russe ont nié toute responsabilité dans cette attaque. Le renseignement militaire ukrainien a accusé le Kremlin et ses services secrets russes de l’avoir orchestrée pour accuser l’Ukraine et tenter de justifier une « escalade » de l’offensive déclenchée en 2022.

La Russie a déjà subi de sanglantes attaques islamistes, comme la prise d’otages de l’école de Beslan en 2004 (330 morts, dont 186 enfants) et celle du théâtre moscovite de la Doubrovka en 2002 pour réclamer le retrait russe de Tchétchénie (130 morts, la quasi-totalité des suites d’une asphyxie au moment de l’intervention des forces de l’ordre).

Arrestations

La Russie a ouvert une enquête pour « acte terroriste » et le Kremlin a annoncé samedi 11 arrestations, dont les « quatre » assaillants. Selon le Comité d’enquête, elles ont eu lieu dans la région de Briansk, frontalière de l’Ukraine et de la Biélorussie.

Un tribunal a placé mardi en détention provisoire un huitième de ces suspects, un ressortissant du Kirghizstan, une ex-république soviétique d’Asie centrale voisine du Tadjikistan.

Les quatre assaillants présumés, en détention provisoire jusqu’au 22 mai, encourent la prison à perpétuité. Ils sont originaires du Tadjikistan, selon les médias russes.

Selon l’agence de presse Ria Novosti, parmi les autres suspects, l’un, arrêté avec son père et l’un de ses frères, est né au Tadjikistan et a la nationalité russe.

Des allégations de tortures ont surgi après la parution de vidéos montrant des suspects le visage ensanglanté. Une autre vidéo, dont l’authenticité n’a pas été confirmée, semble montrer l’un d’eux en train de se faire sectionner l’oreille au couteau.

Pendant l’audience des assaillants présumés dimanche soir devant un tribunal de Moscou, l’un avait un bandage blanc à l’oreille. Un autre est arrivé en fauteuil roulant.

En Turquie, où les autorités ont annoncé 147 arrestations liées à l’EI, une source de sécurité turque a déclaré mardi à l’AFP que deux des suspects en Russie avaient voyagé librement entre la Russie et la Turquie, qu’ils avaient quittée ensemble en avion le 2 mars pour regagner la Russie.

Tous deux sont de nationalité tadjike : Shamsidin Fariduni, entré en Turquie le 20 février, et Saidakram Rajabalizoda, arrivé à Istanbul le 5 janvier. « Nous estimons que ces deux individus se sont radicalisés en Russie étant donné leur court séjour en Turquie », selon cette source.