(Moscou) Le patron des services de sécurité russes (FSB) a accusé mardi l’Ukraine et l’Occident d’avoir facilité l’attentat près de Moscou, revendiqué par le groupe djihadiste État islamique, la Russie insistant sur un lien entre Kyiv et les assaillants présumés.

Les autorités ukrainiennes, soutenues par Washington, ont répété à plusieurs reprises qu’elles n’avaient rien à avoir avec cette attaque qui a fait 139 morts, la plus meurtrière en vingt ans en Russie et la pire revendiquée par l’EI sur le sol européen.

« Nous pensons que l’action a été préparée à la fois par des islamistes radicaux eux-mêmes et, bien entendu, facilitée par les services secrets occidentaux et que les services secrets ukrainiens eux-mêmes sont directement impliqués », a déclaré Alexandre Bortnikov, cité par les médias russes.

Il a par ailleurs affirmé que les assaillants présumés, arrêtés samedi, étaient « attendus » en Ukraine pour y être accueillis « en héros ».

Interrogé sur une implication des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Ukraine, Alexandre Bortnikov a répondu : « Je pense que c’est le cas ».

Il a toutefois ajouté que « le commanditaire » n’avait « pas encore été identifié ».

Dans le même temps, le président biélorusse Alexandre Loukachenko, un proche allié de la Russie, a contredit ce récit, assurant que les assaillants avaient initialement essayé de fuir vers son pays.

« Ils n’ont pas pu entrer en Biélorussie. Ils ont vu cela et donc ils ont changé de route et sont partis vers la frontière russo-ukrainienne », a-t-il raconté mardi.

Un peu plus tôt, le secrétaire du Conseil de Sécurité russe Nikolaï Patrouchev, auquel des journalistes demandaient si Kyiv ou l’EI avait orchestré l’attaque, avait lancé : « Bien sûr que c’est l’Ukraine ».

« Ils ont changé de route »

Lundi, Vladimir Poutine avait admis pour la première fois, trois jours après les faits et la revendication de l’EI, que les assaillants présumés étaient des « islamistes radicaux », tout en pointant du doigt l’Ukraine.

Plusieurs individus avaient ouvert le feu vendredi dans la salle de concert du Crocus City Hall, dans la banlieue de la capitale russe, avant d’y provoquer un immense incendie meurtrier.

PHOTO NATALIA KOLESNIKOVA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le Crocus City Hall, près de Moscou

L’EI, que les Russes combattent en Syrie, dans le Sahel et qui est actif dans le Caucase russe, a revendiqué ce massacre dès vendredi mais son implication n’avait initialement pas été commentée par les autorités russes.

La Russie, son président en tête, a affirmé que les assaillants présumés comptaient fuir « en Ukraine ». La frontière entre ces deux pays, qui s’affrontent militairement depuis deux ans, est pourtant très difficile à franchir.

« Qui les attendait là-bas ? », a-t-il interrogé, estimant que les bombardements de Kyiv sur le territoire russe et l’attaque terroriste à Moscou « s’inscrivent » dans une même « série » d’évènements.

Après les accusations de Moscou, le chef de l’État ukrainien Volodymyr Zelensky avait qualifié lundi son homologue russe de « créature malade et cynique », tandis que l’un de ses conseillers, Mykhaïlo Podoliak, a dénoncé le lendemain les « absurdités » russes.

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a de son côté rejeté mardi toute aide d’Interpol car l’organisation insisterait sur « la théorie favorable à l’Occident selon laquelle l’EI aurait commis l’attentat et l’Ukraine n’y serait pour rien ».

Huit suspects en détention

Les autorités russes ont annoncé dès samedi l’arrestation des quatre assaillants présumés, qui sont originaires du Tadjikistan, une ancienne république soviétique d’Asie centrale.

Trois autres suspects, dont un a la nationalité russe, ont été placés lundi en détention.

Une huitième personne, originaire du Kirghizstan, a été placée en détention provisoire mardi, a annoncé la justice russe.

Au cours de l’audience, cet homme a affirmé, selon Ria Novosti, qu’il ne connaissait pas les intentions des individus à qui il avait loué un appartement après un contact via un site de petites annonces.

Les cinq ex-républiques soviétiques de la région Tadjikistan en tête, ont vu des milliers de leurs citoyens partir en Syrie ou en Irak dans les années 2010.

Par ailleurs, le FSB a affirmé mardi qu’un ressortissant russe appartenant à un groupe allié à l’Ukraine et qui planifiait un attentat avait été tué dans l’explosion de sa bombe au moment de son arrestation dans la région de Samara (Volga).

Les services de renseignement n’ont pas précisé si l’explosion avait été volontairement déclenchée ou accidentelle.

Le FSB a assuré avoir ainsi évité un « acte terroriste » que ce membre de l’organisation basée en Ukraine « Corps des volontaires russes » qui combat les forces russes, est accusé d’avoir préparé contre un point de collecte d’aide humanitaire.