(Moscou) Vladimir Poutine a accusé l’Ukraine de chercher à « terrifier » les Russes après une attaque de drones sans précédent mardi contre Moscou et sa région, au moment où Kyiv subissait une nouvelle vague de frappes meurtrières.

Ce qu’il faut savoir

  • La Russie a récemment concentré ses attaques quasi quotidiennes sur Kyiv, tirant des missiles et des drones aux premières heures du jour, et même dans la journée, dans le but d’épuiser les défenses antiaériennes ukrainiennes, estiment officiels et experts.
  • Les États-Unis ne soutiennent pas les attaques militaires visant la Russie sur son territoire, a affirmé mardi le département d’État après une attaque de drones contre Moscou, attribuée au camp ukrainien par le Kremlin.
  • Moscou a reproché aux Occidentaux leur soutien à l’Ukraine, qui pousse selon lui Kyiv à mener des attaques de plus en plus « irresponsables ».
  • Vladimir Poutine a accusé l’Ukraine de chercher à « terrifier » la population russe après une attaque de drones sans précédent sur Moscou, tout en vantant la défense antiaérienne de la capitale, qui a fonctionné de manière « satisfaisante ».
  • L’Ukraine a dit avoir abattu 29 drones explosifs sur un total de 31, surtout au-dessus de Kyiv et de sa région, lors d’une nouvelle attaque aérienne russe sur la capitale, la troisième en 24 heures.
  • La Russie a affirmé avoir abattu huit drones ukrainiens qui visaient Moscou et sa région, voyant dans cette attaque inhabituelle une « réponse » de l’Ukraine aux récentes frappes russes.
  • La Russie a distribué 1,5 million de passeports aux habitants des régions qu’elle occupe en Ukraine, un moyen pour Moscou de renforcer son emprise sur ces territoires.
  • L’image sera forte et chargée en symboles : près de 50 dirigeants européens se retrouvent jeudi en Moldavie, petit pays qui assiste au plus près à l’invasion de l’Ukraine voisine par l’armée russe et vit dans la crainte des manœuvres de déstabilisation de Moscou.

Plusieurs drones se sont abattus à l’aube sur des immeubles de la capitale russe, située à plus de 500 kilomètres de l’Ukraine, prenant de court des habitants pour qui le conflit semblait lointain.

« On dormait tous, il était 4 h du matin, puis il y a eu deux explosions et les alarmes de toutes les voitures se sont déclenchées » dans la rue, raconte à l’AFP Maxime, un douanier de 40 ans qui habite près d’un immeuble touché dans le sud-ouest de Moscou.

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« Je pensais que tout ça était loin, que ça ne nous concernait pas. Et puis, soudain, c’est arrivé près de chez nous », lance Tatiana Kalinina, une retraitée vivant dans un autre quartier de la capitale touché par la chute d’un drone.

Dans ce quartier, l’AFP a vu un immeuble dont plusieurs vitres ont volé en éclats et dont l’accès était barré par un cordon policier. Certains habitants évacués sirotaient du thé dans une école située à proximité en regardant à la télévision une vieille comédie soviétique.

Selon les autorités russes, huit drones ont été détectés à Moscou et dans sa région, tous ont été neutralisés, mais certaines épaves sont tombées sur des habitations. Deux personnes ont été légèrement blessées, a indiqué le maire de Moscou, Sergueï Sobianine.

« Intimider » les Russes

Si l’Ukraine a démenti toute implication, M. Poutine l’a accusée de vouloir « terrifier la Russie » et « intimider les citoyens russes », tout en se disant « satisfait » de la défense antiaérienne russe qui a intercepté les drones.

Le président russe a estimé que cette attaque était une riposte à une récente frappe russe sur le quartier général des services de renseignement militaires ukrainiens. Kyiv n’a pas fait état récemment de frappe sur ce bâtiment.

La diplomatie russe a par ailleurs accusé les pays occidentaux d’être responsables, par leur soutien à Kyiv, de l’attaque « irresponsable » contre Moscou.

PHOTO SERGEI SUPINSKY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Kyiv, le 30 mai 2023

Les États-Unis ont de leur côté une nouvelle fois répété leur position de principe mardi, à savoir qu’ils « ne soutiennent pas les attaques à l’intérieur de la Russie ».

Bien que spectaculaire et inédite par son ampleur, l’attaque contre Moscou reste modeste par rapport aux vagues de missiles et de drones russes que la capitale ukrainienne subit depuis plusieurs jours.

Une personne a encore été tuée et 11 habitants ont été blessés à Kyiv dans la nuit de lundi à mardi dans une nouvelle salve, la troisième en 24 heures, ont annoncé les autorités locales.

L’armée de l’air ukrainienne a déclaré avoir abattu 29 drones explosifs de fabrication iranienne sur 31 lancés dans la nuit de lundi à mardi, « presque tous près de la capitale et dans le ciel de Kyiv ».

PHOTO VALENTYN OGIRENKO, REUTERS

Kyiv, le 30 mai 2023

Au pied d’un immeuble de la capitale ukrainienne à la façade calcinée, des habitants sonnés sont enveloppés dans des couvertures et se prennent dans les bras pour se réconforter.

« Il y a eu une forte détonation, qui a fait exploser les fenêtres et les portes », indique Mikhaïlo Ovtcharenko, qui a juste eu le temps de se réfugier à l’intérieur de son appartement, loin des fenêtres, avec sa femme et leurs deux enfants, avant la déflagration.

Lundi, des missiles russes se sont abattus en plein jour sur Kyiv, semant la panique dans les rues, après une nouvelle nuit de bombardements. De nombreux habitants se sont réfugiés dans des abris souterrains, notamment dans le métro.

PHOTO SERGEI SUPINSKY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Kyiv, le 30 mai 2023

« Minimiser »

Par contraste, Moscou et sa région n’ont été jusqu’à présent que très rarement visés par des attaques de drone depuis le début du conflit, même si ce type d’attaque s’est multiplié ailleurs en Russie.

Début mai, deux drones ont été abattus au-dessus du Kremlin, le siège du pouvoir russe, lors d’une spectaculaire attaque imputée à l’Ukraine.

Ces derniers mois, des drones ont également pris pour cible des bases militaires ou des infrastructures énergétiques en Russie.

Mardi soir, le gouverneur de la région russe de Belgorod, proche de la frontière ukrainienne, a indiqué que le garde de sécurité d’un centre pour personnes déplacées y avait été tué, et deux autres personnes blessées, dans un bombardement par l’artillerie ukrainienne.

PHOTO OLGA MALTSEVA, AGENCE FRANCE-PRESSE

La ville de Belgorod, en Russie

Sur Telegram, Viatcheslav Gladkov a écrit : « Les forces armées ukrainiennes ont tiré à l’artillerie sur un centre pour déplacés abritant des civils âgés et des enfants. […] Un garde de sécurité a été tué et deux personnes blessées ».

La région de Belgorod a été visée à plusieurs reprises par des bombardements ukrainiens, ainsi que par des tentatives d’incursion de groupes armés venus d’Ukraine.

Pour Tatiana Stanovaïa, analyste au Centre Carnegie Russie Eurasie, il est « étonnant de voir comment les autorités russes minimisent unanimement l’importance des attaques de drone sur les villes russes ».

Des médias et responsables russes ont souligné que plusieurs drones étaient tombés dans une zone cossue située à l’ouest de la capitale où vivent des membres de l’élite politique.

Valentin Iémélianov, qui habite dans le sud-ouest de Moscou, près de l’un des points d’impact, a déclaré à l’AFP qu’il n’y avait « pas de panique » dans son quartier, estimant que la défense antiaérienne russe « fonctionne bien ».