(Munich) Berlin et Paris se sont prononcés vendredi pour une intensification du soutien militaire ardemment réclamé par l’Ukraine afin de pouvoir repousser l’invasion russe, Emmanuel Macron constatant que l’heure n’était « pas au dialogue » à l’occasion de la conférence de Munich sur la sécurité.

Après presque un an de guerre et des dizaines de milliers de victimes dans les deux camps, aucun signe d’apaisement n’est discernable sur le front des combats.

Vendredi, le chef du groupe paramilitaire russe Wagner a affirmé que ses hommes avaient pris la localité ukrainienne de Paraskoviïvka, une bourgade qui jouxte au nord Bakhmout, théâtre de la plus longue bataille dans la région orientale du Donbass depuis un an.

« Nous devons absolument intensifier notre soutien et notre effort pour aider à la résistance du peuple et de l’armée ukrainienne et leur permettre de mener la contre-offensive qui seule permettra des négociations crédibles aux conditions choisies par l’Ukraine », a plaidé le chef de l’État français Emmanuel Macron.

« Aujourd’hui, très clairement, l’heure n’est pas au dialogue », a reconnu celui qui a longtemps tenté de conserver des canaux de discussion avec le président Vladimir Poutine, s’attirant parfois de vives critiques de pays européens, Ukraine en tête.   

Et à un moment où l’OTAN redoute une prochaine vaste offensive russe, le chancelier Olaf Scholz a appelé les pays occidentaux pouvant livrer des chars d’assaut à Kyiv à « le faire vraiment », un ton inhabituellement critique de sa part.

PHOTO MICHAEL PROBST, ASSOCIATED PRESS

Le chancelier allemand Olaf Scholz

Après avoir été pressé de toutes parts de livrer des Leopard 2, de fabrication allemande, il a donné fin janvier son feu vert à des livraisons de chars d’assaut par l’Allemagne mais aussi d’autres pays européens.

Les pourparlers ultérieurs avec les partenaires de l’OTAN n’ont toutefois pas permis à l’heure actuelle de réunir les effectifs nécessaires à la constitution d’un bataillon complet, soit une trentaine de chars 2A6, les plus modernes.

« De la vitesse »

Le président français et le chancelier allemand ont répété qu’ils soutiendraient les Ukrainiens avec les nations alliées « aussi longtemps que nécessaire », l’Alliance atlantique craignant une longue guerre d’usure.

Intervenant avant eux via une liaison vidéo, Volodymyr Zelensky avait exhorté à « accélérer » le soutien militaire à son pays.

Nous avons besoin de vitesse. Vitesse pour conclure nos accords, vitesse des livraisons pour renforcer notre combat, vitesse des décisions pour limiter le potentiel russe. Il n’y a pas d’autre solution que la vitesse car c’est d’elle que dépend la vie.

Volodymyr Zelensky, président ukrainien

Dans ce contexte, « il n’y a pas d’autre solution que la victoire de l’Ukraine. Pas d’autres solutions que l’Ukraine dans l’Union européenne. Pas d’autres solutions que l’Ukraine dans l’OTAN », a lancé le chef de l’État ukrainien, prévenant que Vladimir Poutine pourrait poursuivre son offensive vers d’autres États de l’ex-bloc soviétique.

Le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a d’ailleurs réitéré le soutien de son pays à une adhésion rapide de l’Ukraine à l’Alliance atlantique et à l’UE.

« Le plus tôt sera le mieux » si « nous ne voulons pas que l’Ukraine devienne une zone de conflit tampon » entre la Fédération de Russie et l’Union européenne, a-t-il averti.

Biden avec l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra »

Joe Biden se rend mardi et mercredi en Pologne avec un « message » ferme pour Vladimir Poutine, un an après le début de la guerre et à un moment décisif dans le conflit.

Est-ce une coïncidence ? Mardi, le jour où le président américain prendra la parole lors d’un discours solennel au palais de Varsovie, le président russe a lui aussi prévu de s’exprimer.

Depuis ce lieu emblématique de l’histoire polonaise et trois jours avant le premier anniversaire de l’invasion de l’Ukraine, Joe Biden voudra « envoyer un message à (Vladimir) Poutine autant qu’au peuple russe », a dit vendredi un porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby.

« Nous pouvons dire avec fierté que notre soutien à l’Ukraine reste sans faille et que […] la coalition internationale qui soutient l’Ukraine est plus forte que jamais », a-t-il assuré, répétant que les États-Unis soutiendraient Kyiv « aussi longtemps qu’il le faudrait ».

Comme en écho, le président français Emmanuel Macron, avec qui Joe Biden doit parler la semaine prochaine, a appelé vendredi à « intensifier » le soutien à l’Ukraine, tandis que le chancelier allemand Olaf Scholz – qui sera reçu à la Maison-Blanche le 3 mars – a plaidé pour des livraisons plus rapides de chars, lui qui a longtemps été accusé de traîner les pieds pour soutenir l’armée ukrainienne.

100 milliards de dollars

À son arrivée mardi à Varsovie, Joe Biden rencontrera le président polonais Andrzej Duda, chef d’État d’un pays qui joue un rôle-clé dans le dispositif de soutien militaire que pilotent les États-Unis.

Le président américain verra également, mercredi, le groupe dit « Neuf de Bucarest », un ensemble de pays d’Europe de l’Est et de pays baltes membres de l’OTAN (Bulgarie, Tchéquie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie).

Pour ce chef d’État sans doute entouré du plus strict dispositif de sécurité au monde, il n’est en revanche pas prévu d’incursion en Ukraine ni de rencontre avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, a assuré la Maison-Blanche.

Les États-Unis sont de loin les premiers soutiens de l’Ukraine : l’aide militaire, économique et humanitaire qu’ils ont fournie ou votée depuis le début du conflit dépasse les 100 milliards de dollars.

Derrière ces chiffres vertigineux, les Américains ont fait évoluer leur assistance militaire vers des équipements plus lourds et sophistiqués : d’abord des missiles antichars, puis des batteries d’artillerie de précision et désormais des blindés légers, avant des chars lourds plus tard.

Washington sait que le conflit se trouve dans un moment « décisif », a dit le porte-parole de la Maison-Blanche, avec la fin de l’hiver qui approche.

Nouvelles sanctions

Les pays occidentaux soutiennent l’Ukraine en lui envoyant des armes et par des sanctions économiques contre de la Russie.

À cet égard, Washington et ses alliés préparent l’adoption d’« un nouveau gros paquet de sanctions » « autour du 24 février », la date du premier anniversaire du début de l’offensive russe en Ukraine, a déclaré jeudi Victoria Nuland, la secrétaire d’État adjointe américaine aux affaires politiques.

Les ministres des Affaires étrangères des États du G7 doivent pour leur part se réunir samedi en marge de la Conférence sur la sécurité.

Les alliés ont déjà imposé des sanctions drastiques à la Russie depuis qu’elle a déclenché son assaut contre l’Ukraine, frappant au plus haut niveau de l’État russe, ainsi que son industrie, ses banques et le secteur pétrolier.

Plus de 150 représentants gouvernementaux sont attendus pendant trois jours à cette conférence consacrée aux questions de sécurité internationale qui se déroule chaque année à Munich.

Le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi, la vice-présidente américaine Kamala Harris, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken ainsi que le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg, qui quittera ses fonctions à l’automne, seront aussi présents.  

Les tensions entre les États-Unis et la Chine, qu’a exacerbées le survol du sol américain par un ballon chinois, devraient notamment être abordées samedi.