(Londres) Nicola Sturgeon, cheffe du gouvernement écossais et ardente militante de l’indépendance de l’Écosse, a annoncé mercredi, à la surprise générale, qu’elle allait démissionner, déclarant qu’après plus de huit ans au pouvoir, elle était épuisée et était devenue une figure trop polarisante pour diriger efficacement la politique écossaise qui divise.

« Est-ce que continuer est une bonne chose pour moi ? », a déclaré Mme Sturgeon lors d’une conférence de presse programmée à la hâte à Édimbourg. « Et plus important encore, est-ce que continuer est juste pour mon pays, mon parti et la cause de l’indépendance pour laquelle j’ai passé ma vie à me battre ? »

« Je suis arrivée à la difficile conclusion que non », a-t-elle affirmé.

Elle a déclaré qu’elle resterait dans son rôle jusqu’à ce qu’un successeur soit en place.

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La première ministre Nicola Sturgeon a annoncé sa démission mercredi dans la résidence officielle de Bute House.

La démission abrupte de Mme Sturgeon fait disparaître l’une des figures les plus visibles de la politique britannique – une experte du système de partage du pouvoir au Royaume-Uni, une dirigeante sûre d’elle pendant l’épreuve de l’Écosse face à la pandémie de coronavirus, et peut-être la partisane la plus franche d’une rupture de l’Écosse avec l’Union.

Mais ces dernières semaines, Mme Sturgeon, 52 ans, s’est retrouvée mêlée à un conflit concernant la politique du gouvernement écossais en matière de reconnaissance du genre. Le Parlement britannique a rejeté la législation du Parlement écossais visant à faciliter le changement de sexe des personnes. Le débat sur la question a éclaté après l’incarcération d’une femme transgenre et violeuse condamnée, Isla Bryson, dans une prison pour femmes.

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Nicola Sturgeon débattant au Parlement écossais d’Édimbourg, en septembre 2020

Les rêves d’indépendance de l’Écosse ne sont pas plus proches qu’il y a près de dix ans, lorsque les électeurs ont rejeté un projet de séparation du Royaume-Uni. Le soutien à l’indépendance a augmenté et diminué au fil des ans, mais le gouvernement britannique reste implacablement opposé à l’organisation d’un nouveau référendum.

« Questions controversées »

Mme Sturgeon a nié avoir démissionné à cause de la législation sur le genre, mais a reconnu que dans l’environnement politique actuel, « les questions controversées finissent par être presque irrationnelles ».

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Novembre 2019 : Nicola Sturgeon prend la parole durant un rassemblement pour l’indépendance de l’Écosse, à Glasgow.

Le parti de Mme Sturgeon, le Scottish National Party, reste la force politique dominante en Écosse, et son départ n’est pas susceptible d’affaiblir sa volonté d’indépendance, son objectif fondateur. Cependant, alors que le parti débat de la manière et du moment d’organiser un second référendum sur l’indépendance, il n’était pas clair qui reprendrait le flambeau en tant que principal défenseur.

Son annonce a laissé l’establishment politique écossais perplexe. Le mois dernier encore, elle avait déclaré dans une entrevue à la BBC qu’elle était « loin d’être prête » à se retirer à la tête de l’Écosse.

Mercredi, cependant, Mme Sturgeon a déclaré qu’elle avait lutté pendant des semaines avec la décision de démissionner. Elle s’est dite épuisée par la pandémie, au cours de laquelle elle a adopté une position plus prudente que le gouvernement anglais sur les masques et d’autres politiques de distanciation physique.

L’œuvre de sa vie

La démission de Mme Sturgeon fait écho à celle de Jacinda Ardern, première ministre de la Nouvelle-Zélande, qui a annoncé sa démission le mois dernier en déclarant qu’elle « n’en avait plus assez dans le réservoir ».

Mme Sturgeon, qui a rejoint le parti indépendantiste Scottish National Party à l’âge de 16 ans, a passé son mandat à faire en sorte que l’Écosse obtienne le plus de pouvoir possible sur ses propres affaires.

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La première ministre lors d’un bain de foule à Édimbourg, en novembre 2019

L’année dernière, elle a annoncé de nouveaux plans pour un autre référendum sur l’indépendance de l’Écosse qui aurait lieu en octobre, rouvrant la question de savoir si l’Écosse se séparerait du Royaume-Uni dans ce qui serait le deuxième vote sur l’indépendance de l’Écosse en une décennie.

Les sondages montrent que Mme Sturgeon reste largement populaire, même si sa cote de popularité a baissé depuis que la pandémie s’est atténuée et que la politique écossaise a été accaparée par des questions telles que la législation sur la reconnaissance du genre.

Lisez l’article original du New York Times (en anglais, abonnement requis)

L’indépendance de l’Écosse en quelques dates

18 septembre 2014

55 % des électeurs écossais rejettent l’indépendance lors d’un référendum. Le premier ministre Alex Salmond démissionne.

Novembre 2014

Nicola Sturgeon, qui était auparavant vice-première ministre, devient première ministre.

23 juin 2016

Le Royaume-Uni vote pour le retrait du pays de l’Union européenne (UE) ; 62 % des Écossais voulaient rester dans l’UE.

30 novembre 2020

Nicola Sturgeon s’engage à organiser un deuxième référendum sur l’indépendance en cas de victoire aux élections de mai 2021.

31 décembre 2020

Le Royaume-Uni quitte définitivement le marché intérieur européen et l’union douanière.

1er janvier 2021

« L’Écosse sera bientôt de retour en Europe », promet Nicola Sturgeon.

24 janvier 2021

Nicola Sturgeon annonce son intention d’organiser un référendum sur l’indépendance malgré l’opposition de Westminster.

Mars 2021

Le Scottish National Party s’engage à organiser un référendum avant la fin de 2023, après la pandémie.

Agence France-Presse