(Édimbourg) « Je suis un être humain » : la première ministre écossaise Nicola Sturgeon a créé la surprise mercredi en démissionnant après huit ans au pouvoir, ouvrant une période d’incertitude pour le mouvement indépendantiste auquel elle a consacré sa vie.

Le départ de Nicola Sturgeon, première femme à diriger l’Écosse, constitue un choc pour la vie politique britannique. Arrivée au pouvoir après la victoire du « non » au référendum d’autodétermination de 2014, elle a relancé son camp, défait, et accumulé les succès électoraux, s’imposant en opposante implacable au gouvernement conservateur de Londres, sans jamais réussir à imposer un nouveau vote.

Visiblement émue, la voix cassée, la dirigeante de 52 ans a annoncé devant la presse à Édimbourg qu’elle céderait son poste dès que le Parti national écossais (SNP) aurait désigné son successeur.

« Ce travail est un privilège, mais aussi très difficile », a souligné celle qui disait encore en janvier, après la démission de la première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern, avoir pour sa part « plein d’énergie ».

« J’aurais pu faire quelques mois de plus, peut-être six mois, un an », a-t-elle estimé, soulignant avoir passé plus de quinze ans à des postes à responsabilité. « Mais avec le temps j’aurais eu de moins en moins d’énergie pour mon travail et je ne peux le faire qu’à 100 % ».

Pas de successeur évident

Longtemps extrêmement populaire, Nicola Sturgeon a été récemment fragilisée par une loi controversée permettant le changement de genre dès 16 ans et sans avis médical. Dans la foulée, l’emprisonnement dans un établissement pour femmes d’une transgenre condamnée pour le viol d’une femme avant sa transition a fait scandale, la plaçant sur la défensive.

Elle a nié s’être décidée en raison des « pressions » récentes et assure avoir longuement mûri sa décision, citant les changements dans sa famille, les obsèques d’un proche, et surtout une fonction « sans vie privée » rendant difficile de « prendre un café avec un ami, ou sortir seule pour une marche ».

Elle a refusé d’apporter son soutien à un quelconque potentiel successeur et aucune personnalité ne se détache parmi les noms cités – son adjoint John Swinney, la jeune ministre des Finances Kate Forbes, le ministre de la Santé Humza Yousaf ou encore l’ancien député Angus Robertson.

Son départ programmé de l’exécutif local, compétent sur de nombreuses questions comme l’éducation, la santé ou la justice, porte un coup à la cause indépendantiste. Si elle laisse cette dernière dans l’impasse, les sondages, fluctuants, ont penché régulièrement en faveur d’un « oui » à l’indépendance écossaise ces dernières années, faisant de Nicola Sturgeon une personnalité centrale au Royaume-Uni, plus que jamais au bord de l’explosion depuis la sortie de l’Union européenne.

« Vraie Européenne »

« Avec ce qu’il s’est passé récemment avec la reconnaissance du genre, il était temps que Nicola Sturgeon quitte le pouvoir et c’est une bonne chose qu’elle s’en soit rendu compte », estime Elly Watts, une habitante d’Edimbourg.

« Elle répétait tout le temps la même chose et rien ne se passait. J’espère qu’avec quelqu’un de nouveau, on va pouvoir avancer », abonde John Davidson, 70 ans.

Née dans la ville industrielle d’Irvine, au sud-ouest de Glasgow, Nicola Sturgeon a rejoint le SNP à 16 ans. Peter Murrell, son mari, est directeur général du parti, orienté très à gauche.  

Elle a pris la tête du SNP et du gouvernement écossais après la démission en 2014 de son prédécesseur Alex Salmond. Les Écossais avaient alors voté à 55 % en faveur d’un maintien au sein du Royaume-Uni.

Elle avait depuis avec patience repris le combat pour l’indépendance, revigoré par le Brexit auquel les Écossais s’étaient majoritairement opposés. Mais le gouvernement britannique reste fermement opposé au nouveau vote qu’elle réclame, conforté récemment par la Cour suprême britannique et Nicola Sturgeon semblait manquer d’option pour relancer sa campagne.

Le premier ministre conservateur Rishi Sunak a sobrement réagi à sa démission en la remerciant pour son « long service ». Son ministre pour l’Écosse Alister Jack a appelé Édimbourg à profiter de son départ pour « abandonner son obsession pour l’indépendance ».

Le premier ministre irlandais Leo Varadkar a qualifié la dirigeante, pour qui l’indépendance devait permettre de rejoindre l’UE après le Brexit, de « vraie Européenne ».