(Bab al-Salama) Un premier convoi d’aide est entré en Syrie mardi en direction des zones rebelles du nord, huit jours après le séisme qui a fait près de 40 000 morts dans ce pays et en Turquie, « la pire catastrophe naturelle en un siècle en Europe », selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le secrétaire général de l’ONU a le même jour lancé un appel aux dons de près de 400 millions de dollars pour faire face sur « une période de trois mois » aux « besoins immenses » des populations victimes du tremblement de terre en Syrie.

Antonio Guterres a exhorté tous les États membres des Nations unies à fournir « sans délai » cette somme pour garantir « une aide humanitaire dont près de cinq millions de Syriens ont désespérément besoin », à commencer par « des abris, des soins médicaux, de la nourriture ».

« Nous savons tous que l’aide qui sauve des vies n’entre pas à la vitesse et à l’échelle nécessaires », a-t-il insisté, précisant qu’il devrait bientôt y avoir un appel similaire en faveur de la Turquie.

« Nous sommes les témoins de la pire catastrophe naturelle dans la région de l’OMS Europe en un siècle et nous sommes toujours en train d’en mesurer l’ampleur », a de son côté constaté un responsable de l’Organisation mondiale de la santé.

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Des gens sortent des victimes des décombres dans la province de Hatay, en Turquie.

Et son bilan s’alourdit inexorablement, il pourrait même doubler, prévenait l’ONU dimanche.

Mardi soir, il s’élevait à 39 106 morts – 35 418 officiellement dans le sud de la Turquie, tandis que les autorités en ont dénombré 3688 en Syrie.

Quatre miraculés

Rare motif de consolation pour les sauveteurs, quatre personnes ont encore pu être extraites vivantes des décombres mardi en Turquie.

Comme ce couple de Syriens à Antakya, l’Antioche de l’Antiquité, l’une des villes turques ayant le plus souffert du tremblement de terre, qui s’est exclamé « Allahu akbar ! » (« Allah est le plus grand » !) une fois sauvé, environ 210 heures après le tremblement de terre de magnitude 7,8 du 6 février, a témoigné un photographe de l’AFP.

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« Nous comprenons qu’on privilégie les personnes en vie, mais nous avons le droit de réclamer les dépouilles de nos proches », a expliqué un homme qui espérait retrouver la femme de son frère et leurs quatre enfants.  

Un peu plus tôt, deux jeunes frères avaient également pu sortir à l’air libre après avoir passé 198 heures coincés sous les gravats.   

Âgés respectivement de 17 et de 21 ans, ils ont dit avoir survécu en consommant de la poudre protéinée.

« J’étais calme. Je savais que je serais sauvé. J’ai prié. Il était possible de respirer sous les ruines », a raconté l’un d’eux, cité par la chaîne de télévision NTV.

Mais, malgré ces véritables petits miracles, les chances d’encore retrouver des survivants dans les bâtiments effondrés deviennent quasiment nulles.

Résignation

« Les équipes qui sont venues fouiller ici ont clairement expliqué qu’elles recherchaient des vivants. Elles ont travaillé pendant deux jours sans en trouver aucun », se désole pour sa part mardi à Antakya un soldat bientôt quinquagénaire, Cengiz, dont cinq proches sont enfouis dans les décombres.

« Nous comprenons qu’on privilégie les personnes en vie, mais nous avons le droit de réclamer les dépouilles de nos proches », renchérit, résigné, Husein, qui espérait retrouver la femme de son frère et leurs quatre enfants.  

Dans ces circonstances, la priorité est désormais de s’occuper des centaines de milliers, voire des millions, de personnes dont les logements ont été détruits par la secousse tellurique.

« Nous avons répondu aux besoins d’hébergement de 1,6 million de personnes. Près de 2,2 millions de personnes ont été évacuées ou ont quitté les provinces [touchées] de leur plein gré », a à cet égard affirmé mardi le président turc Recep Tayyip Erdogan après une réunion du gouvernement.

Au dénuement matériel extrême des personnes sinistrées s’ajoute la détresse psychologique, qui frappe de plein fouet les plus jeunes.  

Plus de sept millions d’enfants – 4,6 en Turquie et 2,5 en Syrie – vivent dans les zones affectées, a déploré l’UNICEF.

Direction les zones rebelles

Côté syrien, pour la première fois depuis 2020, un convoi transportant de l’aide se dirigeait mardi vers les zones rebelles du nord par le poste-frontière de Bab al-Salama avec la Turquie, a vu un journaliste de l’AFP.

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Des bénévoles donnent de la nourriture aux sinistrés du séisme ayant secoué la Syrie.

Il est constitué de 11 camions de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) chargés, entre autres, de tentes, de matelas, de couvertures et de tapis.

Le poste-frontière de Bab al-Salama relie le territoire turc au nord de la province d’Alep contrôlée par des factions syriennes fidèles à Ankara. Il avait été fermé à l’aide humanitaire de l’ONU sous la pression de la Russie, une alliée du régime de Damas.

Les zones échappant au contrôle de ce dernier dans le nord de la province d’Alep et dans celle d’Idlib (nord-ouest), où vivent près de trois millions de personnes, figurent parmi les plus dévastées par le tremblement de terre en Syrie.

Ce pays avait auparavant annoncé l’ouverture, pour une durée initiale de trois mois, de deux nouveaux points de passage avec la Turquie afin d’accélérer l’arrivée de l’aide humanitaire.

Le secrétaire général de l’ONU a salué cette décision du président syrien Bachar al-Assad qui « va permettre à plus d’aide d’entrer, plus vite ».

Une délégation des Nations unies est parallèlement parvenue mardi sur place afin d’évaluer les besoins de ces régions durement touchées, d’après un correspondant de l’AFP.

Selon le ministère syrien des Transports, 62 avions acheminant de l’aide ont jusqu’à présent atterri en Syrie, dont un en provenance d’Arabie saoudite, une première en dix ans.