Il vient de remplacer Marine Le Pen à la tête du Rassemblement national. Qui est Jordan Bardella, enfant prodige de l’extrême droite française ?

Il est jeune. Il est talentueux. Il s’exprime bien. Il est convaincant. Et il n’aime pas les migrants.

À seulement 27 ans, Jordan Bardella vient d’être élu nouveau président du Rassemblement national, avec un résultat sans équivoque de 85 % des voix. Il succède à Marine Le Pen, qui aura désormais plus de temps pour gérer son groupe de 89 députés à l’Assemblée nationale et préparer sa candidature à la présidentielle de 2027.

C’est la première fois, depuis sa création il y a 50 ans, que le parti d’extrême droite français n’est pas dirigé par un Le Pen. Mais c’est tout comme.

Ce fils d’immigrants italiens, issu des banlieues parisiennes, était devenu le protégé de Marine Le Pen. Et il est toujours, jusqu’à preuve du contraire, le conjoint de Nolwenn Olivier, nièce de Mme Le Pen et petite-fille de Jean-Marie Le Pen, fondateur du RN.

Sa victoire, du reste, ne surprend personne.

Militant au RN depuis l’âge de 15 ans, cet enfant prodige a gravi les échelons un par un, avant de se retrouver au sommet de la pyramide. Une ascension rapide, précipitée par les élections européennes de 2019, où sa liste l’a emporté face à celle du parti d’Emmanuel Macron. Il n’avait que 24 ans.

PHOTO ALAIN JOCARD, AGENCE FRANCE-PRESSE

Marine Le Pen et Jordan Bardella, le samedi 5 novembre

« Il est très ambitieux. Bon orateur. Très à l’aise dans les médias. Excellent communicateur avec une très grande force de conviction, et il dégage une impression de sincérité », note Bruno Cautrès, chercheur au CEVIPOF, à Paris.

Son image de jeune homme sage et lisse joue également en sa faveur. Ce qui ne l’empêche pas de se durcir à l’extrême quand on aborde les sujets qui fâchent, comme la sécurité et l’immigration clandestine. Le magazine L’Obs l’a récemment décrit comme un « cyborg », alors que le journal Le Monde l’a qualifié de « gendre idéal qui envoie des horreurs », pour décrire sa personnalité contrastée.

Rediaboliser le parti

À quoi ressemblera le Rassemblement national sous sa présidence ? Encore tôt pour le dire.

Jordan Bardella a clairement laissé entendre qu’il s’inscrivait dans « la continuité idéologique » de sa mentore, laquelle s’active depuis quelques années à dédiaboliser l’image de son parti en atténuant son discours anti-immigration et en prenant un virage plus social.

Or, le nouveau président du RN est bien connu pour ses positions antimigratoires musclées et assumées. Il prône la tolérance zéro envers les clandestins et n’hésite pas à évoquer le « grand remplacement », théorie selon laquelle les populations blanches d’Europe seront bientôt minoritaires face aux immigrants du Maghreb et d’Afrique subsaharienne.

La semaine dernière, il n’a d’ailleurs pas hésité à défendre un de ses députés, Grégoire de Fournas, qui venait de provoquer la controverse en pleine assemblée nationale, après avoir appelé haut et fort à ce que les migrants « retournent en Afrique ».

« Je lui ai dit que ce n’était pas très fin, mais je crois qu’il était absolument fondamental de ne pas céder sur le fond », a déclaré dans la foulée le nouveau patron du RN. Message clair.

Un binôme complémentaire

La question est de savoir si un retour à la ligne dure serait compatible avec le virage « soft » de Mme Le Pen.

Spécialiste de l’extrême droite en France, Jean-Yves Camus admet qu’une politique plus ouvertement identitaire pourrait favoriser un rapprochement avec Reconquête !, le parti d’Éric Zemmour, voire le phagocytage de ce dernier par le RN.

Mais selon lui, ce sera un « échec » si Bardella joue exclusivement sur le thème de l’immigration, alors que les Français sont plutôt préoccupés par les problèmes du quotidien.

Je ne vois pas comment il peut être à la fois l’homme de Marine Le Pen et l’homme qui rediabolise le parti. Pour moi, il y a là une contradiction.

Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite en France

À moins d’y voir un « binôme complémentaire », souligne Bruno Cautrès. À Bardella l’immigration, à Marine Le Pen le social. La patronne serait ainsi moins identifiée à l’extrême droite et pourrait prendre plus de hauteur lors de la prochaine présidentielle.

Des frictions ne sont toutefois pas à exclure entre la patronne et son dauphin. « Vu la personnalité de Bardella, je pense qu’il va vouloir s’affirmer très vite, résume Bruno Cautrès. On est peut-être dans un scénario où ce ne sera pas toujours facile. »

L’expert pense toutefois que chacun respectera le territoire de l’autre. « Ils connaissent leurs limites. La seule ligne à ne pas franchir pour Bardella serait de laisser entendre qu’il a de l’appétit pour la présidentielle de 2027 », conclut le politologue. Cette élection reste la chasse gardée de Marine Le Pen. À moins que celle-ci ne rencontre un « obstacle majeur » d’ici là.

Auquel cas le gendre idéal pourrait vouloir en mener plus large et laisser parler le cyborg en lui.