(Kyiv) La Russie s’apprête à évacuer la population de Kherson, ville du sud de l’Ukraine où ses troupes sont confrontées à une situation particulièrement « tendue » face à la contre-offensive de Kyiv, qui a dénoncé les nombreuses frappes ayant de nouveau visé mardi ses infrastructures énergétiques.

Le général russe Sergueï Sourovikine, chargé des opérations en Ukraine depuis dix jours, a affirmé sur la chaîne Rossiya 24 que l’armée russe allait « assurer avant tout l’évacuation sécurisée de la population » de Kherson, sans autre indication.

Capitale de la région éponyme occupée par la Russie depuis le printemps et annexée en septembre, cette ville est actuellement visée par des frappes ukrainiennes sur ses « infrastructures sociales, économiques et industrielles », a-t-il relevé.

Ce qui entraîne, selon lui, des perturbations dans l’approvisionnement en électricité, en eau et en nourriture, représentant dès lors une « menace directe pour la vie des habitants » et donc la nécessité de l’évacuer.

« Les actions ultérieures concernant la ville de Kherson elle-même vont dépendre de la situation militaire », a-t-il poursuivi, ajoutant sans autre précision « ne pas exclure une prise de décision très difficile ».

Pour sa part, le dirigeant installé dans la région de Kherson par Moscou, Vladimir Saldo, a annoncé une évacuation vers la rive gauche du fleuve Dniepr de la population de plusieurs localités pour permettre à l’armée russe d’installer des « constructions défensives d’ampleur » face à une « vaste contre-offensive » préparée par les forces ukrainiennes.

L’armée russe, qui a envahi l’Ukraine le 24 février, est mise en mal de toutes parts.

Si elle est « très difficile » à Kherson, « la situation dans la zone de l’opération militaire spéciale peut être qualifiée de tendue. L’ennemi n’abandonne pas ses tentatives d’attaques sur les positions des troupes russes », a déclaré le général. « Le régime ukrainien cherche à percer notre défense » en réunissant « toutes ses réserves » pour la contre-offensive dans le sud et l’est.

La Russie n’a pas pour autant perdu de son mordant puisqu’elle a de nouveau bombardé mardi « le commandement militaire et les systèmes énergétiques de l’Ukraine », a annoncé le ministère russe de la Défense, assurant que « toutes les cibles [avaient] été touchées » grâce à des armes de précision et de longue portée non identifiées.

Situation « critique »

Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, « depuis le 10 octobre, 30 % des centrales électriques ukrainiennes ont été détruites, provoquant des pannes massives dans tout le pays » à l’approche de l’hiver.

« La situation est maintenant critique », a ajouté un conseiller de la présidence, en demandant que toute l’Ukraine « se prépare » à de possibles « pannes d’électricité, d’eau et de chauffage ».

Au total, « 1162 localités restent privées d’électricité » et plus de 70 personnes ont été tuées et 290 blessées, a comptabilisé le service ukrainien des situations d’urgence.

Des frappes menées par des drones kamikazes avaient déjà provoqué lundi des coupures de courant dans trois régions, faisant au moins neuf morts.

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Le 10 octobre, des bombardements russes d’une ampleur inégalée depuis des mois, également sur des infrastructures énergétiques, ont fait au moins 19 morts et 105 blessés.

Les alliés occidentaux de Kyiv avaient alors promis davantage de systèmes de défense antiaérienne, dont certains ont déjà été livrés.

PHOTO VALENTYN OGIRENKO, REUTERS

Une femme porte son chien devant un immeuble résidentiel détruit par des frappes russes à Mykolaïv, le 18 octobre 2022.

L’utilisation par Moscou de drones iraniens, selon Kyiv, a par ailleurs été étayée mardi : l’armée russe a envoyé au cours « des dernières 24 heures » 43 drones « Shahed-136 de fabrication iranienne », dont « 38 ont été abattus par des soldats ukrainiens », a affirmé l’état-major des forces ukrainiennes.

Cet « appel à l’aide » à l’Iran est « la reconnaissance par le Kremlin de sa faillite militaire et politique », a raillé dans la soirée M. Zelensky, qui a réitéré son refus de négocier avec son homologue russe Vladimir Poutine.

« Nous n’avons pas de telles informations », a répondu le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, interrogé par un journaliste sur l’utilisation de drones iraniens par Moscou en Ukraine. « De la technologie russe est utilisée, avec des noms russes ».

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a proposé mardi à M. Zelensky de rompre les relations diplomatiques avec Téhéran.

Reste que Téhéran a répété n’avoir « exporté d’armes vers aucune des parties en guerre », tandis que Washington a menacé de sanctionner les entreprises ou les États collaborant au programme iranien de drones.

Bombardements tous azimuts

Les nouvelles frappes russes ont touché de nombreuses villes d’Ukraine, aussi bien la capitale Kyiv que Mykolaïv (sud), Dnipro (centre-est), Kharkiv (nord-est) ou Jytomyr (à l’ouest de Kyiv). Elles ont fait au moins trois morts.

Les Russes « attaquent des infrastructures essentielles […] dont les gens ont besoin dans leur vie quotidienne et qui ne sont pas des cibles militaires », a dénoncé le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, estimant que c’était « un signe de désespoir de la part de la Russie ».

L’armée russe est sur la défensive sur l’essentiel du front en Ukraine, reculant depuis septembre aussi bien dans le nord que l’est et le sud. Le seul tronçon où elle avance encore est près de la ville de Bakhmout (est), qu’elle tente de prendre depuis l’été.

La mobilisation partielle de centaines de milliers de réservistes russes, décidée par Vladimir Poutine après ses lourdes pertes, n’est pas « pour le moment » achevée, a fait savoir le Kremlin.

PHOTO VALENTYN OGIRENKO, REUTERS

Le corps d’un homme de 55 ans a été retrouvé dans les décombres d’un immeuble après une frappe nocturne à Mykolaïv.

Kyiv a par ailleurs dénoncé « l’inaction » du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour aider ses soldats prisonniers auxquels l’organisation n’a pas encore pu rendre visite. Et de dénoncer le fait que ses « prisonniers de guerre et otages civils soient quotidiennement torturés par la faim, par des électrocutions ».

Et l’opérateur ukrainien Energoatom a accusé mardi la Russie d’avoir « enlevé » deux cadres de la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, qu’elle occupe depuis mars dans le sud de l’Ukraine.