Le milliardaire Rob Hale a offert un cadeau aux diplômés de l’Université du Massachusetts à Dartmouth… et leur a demandé d’en faire un à leur tour.

Le 16 mai, jusqu’à la toute fin de la collation des grades de l’Université du Massachusetts à Dartmouth, les diplômés pensaient que leur principal souvenir de la journée serait la pluie torrentielle et le froid de canard qu’ils avaient endurés durant la cérémonie en plein air.

Puis, alors que la masse grelottante et trempée jusqu’aux os s’apprêtait enfin à défiler pour la remise des parchemins, l’orateur invité Rob Hale, qui avait dû écourter son discours à cause de la pluie, est revenu au lutrin avec deux poches de hockey : il y avait de l’argent là-dedans, dit-il, et il attendait chaque diplômé à un bout de la scène pour lui remettre 1000 $ en passant : 500 $ pour soi, 500 $ à donner à une bonne cause.

« On s’est regardés, mes amis et moi : voyons donc, c’est une blague », raconte Ali McKelvey, une des étudiantes.

Non, c’était sérieux. M. Hale, cofondateur et PDG de Granite Telecommunications, est l’une des personnes les plus riches au pays et ses dons sont à l’avenant. Avec sa femme Karen, il a donné 1 million de dollars chaque semaine en 2022, à des causes connues ou inconnues.

Comme il l’a dit aux diplômés durant son discours, il n’a pas oublié qu’il a tout perdu quand sa première entreprise a fait faillite après l’éclatement de la bulle internet en mars 2000.

« Sans blague, avez-vous déjà rencontré quelqu’un qui a perdu 1 milliard de dollars ? », a demandé M. Hale, qui est copropriétaire des Celtics de Boston, de la NBA.

Depuis ce désastre, sa femme et lui ont trouvé joie et satisfaction dans le fait de donner leur argent. En donnant aux étudiants la possibilité de ressentir la même chose, il espère allumer une étincelle qu’ils emporteront avec eux, même si rien ne garantit qu’ils honoreront sa demande. (Il est persuadé que la grande majorité d’entre eux le feront.)

« S’ils ressentent cette joie, peut-être auront-ils envie de recommencer tout au long de leur vie », a déclaré M. Hale, 57 ans.

Aux États-Unis et ailleurs dans le monde, nous vivons une période de troubles : plus on s’entraidera, mieux les choses iront.

Rob Hale, cofondateur et PDG de Granite Telecommunications

À chacun sa cause

Au cours de la semaine qui s’est écoulée depuis qu’on leur a remis deux enveloppes humides – l’une portant la mention « GIFT » (cadeau) et l’autre, « GIVE » (à donner) –, les nouveaux diplômés ont fait leurs bagages, peaufiné leur CV et pris leurs derniers égoportraits sur le campus. Ils ont aussi réfléchi à quelle cause envoyer la plus grosse somme qu’ils aient jamais eu à donner.

Tony da Costa, un étudiant en graphisme qui a obtenu son diplôme avec mention « très bien », a décidé après réflexion de donner ses 500 $ à une connaissance de sa mère qu’il n’a jamais rencontrée ; il sait qu’elle est malade et qu’elle a du mal à payer ses factures.

« Je trouvais que les donner à une personne en particulier valait mieux », a déclaré M. da Costa, 22 ans, qui a grandi à Dartmouth, sur la côte sud du Massachusetts, près du cap Cod.

Kamryn Kobel, diplômée en lettres, a donné ses 500 $ au YWCA de Worcester, au Massachusetts, où, petite, elle a appris à nager. Elle aime ses programmes destinés aux jeunes femmes et aux victimes de violences.

Ce don est pour elle une source de fierté. Mais il lui a fallu un moment pour réaliser que les enveloppes qu’elle avait enfouies sous son poncho contenaient exactement ce que Hale avait promis : « Au début, je me suis demandé s’il y avait vraiment de l’argent là-dedans », dit-elle. Puis, elle s’est dit : « Oh, mon Dieu, c’est vrai. »

Des établissements publics

L’Université du Massachusetts à Dartmouth compte environ 5500 étudiants de premier cycle : 80 % d’entre eux sont originaires du Massachusetts, 80 % ont des prêts ou bourses et plus de la moitié sont des étudiants de première génération.

C’est la quatrième fois en quatre ans que M. Hale fait ce type de don fractionné aux diplômés. Chaque fois, il a choisi un établissement public du Massachusetts à forte concentration d’étudiants de première génération qui ont de faibles revenus et qui ont « trimé pour y arriver », a-t-il déclaré.

En 2023, il a distribué ses enveloppes à l’Université du Massachusetts à Boston, où 66 % des étudiants de première année se décrivent comme des personnes de couleur.

Par contraste, à la Deerfield Academy, une école secondaire privée de l’ouest du Massachusetts (une région prospère), il n’a rien donné aux élèves, déposant des fonds dans une fiducie gérée par l’école, de façon que chaque diplômé puisse donner 1000 $. M. Hale, qui a grandi juste à côté à Northampton, a fait son secondaire à Deerfield et a été admis en 1984 au Connecticut College.

En entrevue, il a raconté avec émotion qu’une diplômée de UMass-Dartmouth a donné ses 500 $ à un OSBL local qui offre des cadeaux de Noël aux enfants dans le besoin – un programme dont sa famille a bénéficié quand elle était petite.

« Voir des choses comme ça, c’est vraiment cool », a-t-il déclaré.

Mme McKelvey, 21 ans, a fait don de ses 500 $ à un refuge pour femmes dans sa ville natale d’Ashland, à l’ouest de Boston, inspirée par les cours qu’elle a suivis dans le cadre de sa majeure en santé et société, où elle a étudié les enjeux auxquels font face les femmes défavorisées.

« Je me souviens de m’être dit, durant certains cours : “Il faut que quelqu’un fasse quelque chose à ce sujet”, a-t-elle déclaré. Et maintenant, c’est moi qui peux faire quelque chose. »

Cet article a été publié dans le New York Times.

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