Le gouvernement fédéral américain a annoncé mercredi son intention d’instaurer des seuils limites dans l’eau courante pour les « polluants éternels », une première dans le pays. « Au Québec, on s’en sort pas trop pire », note un expert.

Une présence dans de nombreux cours d’eau

Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) sont une famille de molécules de synthèse utilisées depuis les années 1940, et ayant été développées pour leur résistance à la chaleur ou encore leur imperméabilité. Présentes dans de nombreux cours d’eau en Europe et en Amérique du Nord, incluant au Québec et au Canada, les PFAS se fraient un chemin jusque dans l’eau potable qui alimente les résidences. Leur impact sur la santé est jugé « préoccupant » par la communauté scientifique, et elles ont été liées, en grande quantité, à une diminution de la croissance fœtale et au cancer du rein, notamment.

Nocifs

Les PFAS sont notamment utilisées dans les textiles imperméables, les poêles antiadhésives (téflon), des détergents, des cosmétiques, et biens d’autres objets. Michael Regan, administrateur de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA), a dit mercredi qu’il ne faisait aucun doute que ces composés chimiques ont été importants pour certaines industries. « Mais il ne fait pas non plus de doute que beaucoup d’entre eux peuvent être nocifs pour notre santé et l’environnement. » L’EPA estime que les nouvelles normes vont réduire l’exposition de 100 millions de citoyens américains, soit près du tiers des habitants du pays qui en compte 333 millions.

Au Québec

Une étude publiée en 2022 par des chercheurs de l’Université de Montréal a montré que les PFAS étaient bel et bien présentes dans l’eau potable au Québec, mais à des niveaux qui n’alarment généralement pas les experts. « Au Québec, on s’en sort pas trop pire, explique en entrevue Sébastien Sauvé, professeur de chimie environnementale à l’Université de Montréal. Si on devait appliquer la nouvelle norme américaine au Canada, il n’y a pas le tiers des Canadiens qui serait affecté. Au Québec, il y aurait quelques municipalités qui devraient traiter leur eau, mais pas plus. »

Une dizaine de villes à surveiller

Sur près de 400 villes étudiées au Québec, M. Sauvé note qu’une dizaine devrait s’attaquer à la présence de PFAS. Le chercheur nomme Val-d’Or, Saint-Donat-de-Montcalm, L’Épiphanie et Sainte-Cécile-de-Milton comme des endroits où les relevés dépasseraient les normes américaines. « Montréal ne dépasse pas les normes. Longueuil s’en approche, mais est en dessous selon nos lectures. » Certains filtres maison peuvent éliminer les PFAS en totalité ou en partie.

Nouvelles exigences

En février 2023, Santé Canada a diffusé une recommandation au sujet des exigences quant à la concentration maximale acceptable dans l’eau potable. « On attend toujours la version finale de Santé Canada, dit M. Sauvé. Les nouvelles exigences américaines obligent les fournisseurs d’eau potable à faire un suivi, à rapporter les résultats, à corriger et mettre en place des mesures de correction. Santé Canada ne va pas aussi loin, car un bout de ça est de compétence provinciale. Il va falloir l’équivalent ici. »

Trois ans

Les systèmes publics américains fournissant de l’eau potable auront d’abord trois ans pour tester leur eau et informer la population des niveaux de pollution observés. Ils auront ensuite deux ans supplémentaires pour agir, par exemple en installant des filtres spécialisés. L’Europe a aussi des normes en la matière, mais elles sont généralement moins contraignantes. « La norme varie selon les pays, dit Sébastien Sauvé. Ce sont souvent des millions, des milliards qu’il faut investir pour retirer ou faire diminuer les PFAS. Il y a une analyse coût-bénéfice sur les décès et sur la qualité de vie perdue. »

Avec l’Agence France-Presse

Consultez une page d’information sur les PFAS de l’Institut national de santé publique du Québec