(Washington) Le chef de file des démocrates au Sénat américain a appelé jeudi à des élections en Israël, qualifiant le premier ministre Benyamin Nétanyahou « d’obstacle pour la paix » – une nouvelle illustration du changement de ton de Washington sur la gestion de la guerre à Gaza.

La coalition gouvernementale « menée par Nétanyahou ne correspond plus aux besoins d’Israël après le 7 octobre », date de début de la guerre avec le mouvement palestinien Hamas, a déclaré Chuck Schumer lors d’un discours.

 « Le premier ministre Nétanyahou s’est égaré, laissant sa survie politique passer avant l’intérêt supérieur d’Israël », a ajouté cet influent élu américain depuis l’hémicycle du Sénat.

Cette nouvelle marque de défiance américaine envers le chef du gouvernement israélien intervient quelques jours après des propos du président Joe Biden assurant que Benyamin Nétanyahou « faisait plus de mal que de bien à Israël ».

Sollicité par l’AFP, le cabinet de Nétanyahou n’a pas fait de commentaire dans l’immédiat. Son parti, le Likoud, a toutefois fustigé les propos de M. Schumer, assurant que la politique du premier ministre était « soutenue par la grande majorité de la population » israélienne.

 « Israël n’est pas une république bananière », a-t-il lancé dans un communiqué.  

PHOTO MANUEL BALCE CENETA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le chef démocrate du Sénat, Chuck Schumer, et le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou

Point critique

Chef de la majorité démocrate au Sénat et élu juif de plus haut rang aux États-Unis, Chuck Schumer s’était jusqu’ici montré très prudent dans ses critiques contre l’allié israélien et la façon dont il mène son offensive à Gaza.

Mais Israël est à un « point critique » après cinq mois de conflit, a-t-il estimé, jugeant que « de nouvelles élections étaient la seule manière de permettre la tenue d’un processus décisionnel sain » sur l’avenir du pays.

Selon M. Schumer, qui a aussi appelé à la démission du chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, en place depuis 2005, Benyamin Nétanyahou est « trop disposé à tolérer le bilan humain parmi les civils à Gaza, qui entraîne le soutien international à Israël vers des niveaux historiquement bas ».

Or, estime-t-il, Israël « ne peut pas survivre s’il devient un paria ».

Ces propos n’ont pas manqué de faire réagir rapidement les républicains, dont le solide soutien à Israël n’a pas varié.

Le chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, les a qualifiés de « grotesques et hypocrites ». Israël « mérite un allié qui agisse comme tel », a-t-il dit.

 « Contreproductives »

L’ambassadeur israélien à Washington Michael Herzog a, lui, jugé les déclarations de Chuck Schumer « contreproductives ».

Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien et grand rival de Nétanyahou, a quant à lui estimé qu’il revenait « uniquement aux citoyens (d’Israël) de décider de l’avenir » politique du pays.

Interrogé sur les propos du chef démocrate, un porte-parole de la Maison-Blanche a botté en touche.

 « Nous savons que (Chuck) Schumer est très attaché à cette question », a déclaré John Kirby. « Nous allons continuer à veiller à ce qu’Israël dispose de ce dont il a besoin pour se défendre, tout en faisant tout ce qui est en son pouvoir pour éviter des pertes civiles ».

Après des mois de soutien quasi inconditionnel à Israël, Joe Biden adopte lui aussi un ton de plus en plus critique face à la crise humanitaire dans la bande de Gaza.

Le président américain, candidat à sa réélection en novembre, est en effet sous la pression d’une partie de son électorat.

Dans le Michigan, État qui s’annonce décisif en novembre, de nombreux démocrates, parmi lesquels une forte proportion de membres de l’importante communauté arabo-américaine, menacent de ne pas voter pour lui dans son duel contre le républicain Donald Trump, pourtant sans nuance dans son soutien à Israël.

L’offensive israélienne dans la bande de Gaza a fait 31 341 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas, dans ce territoire où la famine menace et où l’aide humanitaire peine à être livrée.

La guerre a commencé après l’attaque du Hamas en Israël, le 7 octobre, qui a entraîné la mort d’au moins 1160 personnes en Israël, la plupart des civils, selon un décompte de l’AFP établi à partir de sources officielles israéliennes.