(Washington) Le fossé entre le président américain et le premier ministre israélien se creuse chaque jour : Joe Biden a salué vendredi le « bon discours » prononcé la veille par le chef des sénateurs démocrates, et très critique envers le premier ministre Benyamin Nétanyahou.

« Il a fait un bon discours et je pense qu’il a exprimé des préoccupations importantes, qui ne sont pas seulement les siennes mais qui sont partagées par de nombreux Américains, » a dit le président à propos de cette intervention de Chuck Schumer, personnalité juive la plus haut placée du pouvoir législatif américain.

Le sénateur avait estimé jeudi que « de nouvelles élections étaient la seule manière de permettre la tenue d’un processus décisionnel sain » sur l’avenir du pays, en jugeant que « le premier ministre Nétanyahou [s’était] égaré, laissant sa survie politique passer avant l’intérêt supérieur d’Israël ».

Le président américain souhaite-t-il lui aussi des élections et le départ de Benyamin Nétanyahou, a voulu savoir un journaliste vendredi, lors du point-presse quotidien de la Maison-Blanche ? « Ce sera au peuple israélien de décider », a botté en touche John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale.  

Rafah

Joe Biden, qui a soutenu Israël de manière quasi inconditionnelle depuis l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre, s’éloigne de plus en plus ostensiblement de Benyamin Nétanyahou.

La tension pourrait grimper encore en cas d’offensive israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où un million et demi de Palestiniens ont trouvé refuge.

Benyamin Nétanyahou a annoncé vendredi « les plans d’action » de l’armée en vue d’une opération dans cette zone, assurant que l’armée était prête « pour le côté opérationnel et pour l’évacuation de la population ».

La Maison-Blanche « souhaiterait avoir la possibilité de voir » les plans en question, a indiqué John Kirby, renouvelant les mises en garde américaines sur le sort des civils déplacés.

Les propos de Chuck Schumer jeudi dans l’enceinte du Sénat ont fait d’autant plus de bruit que le chef de file des sénateurs démocrates s’était gardé, jusqu’ici, de critiquer ouvertement la manière dont Israël mène son offensive militaire depuis l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre dernier.  

Selon Chuck Schumer, qui a aussi appelé à la démission du chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, en place depuis 2005, Benyamin Nétanyahou est « trop disposé à tolérer le bilan humain parmi les civils à Gaza ».

PHOTO OHAD ZWIGENBERG, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou

Il y a quelques jours, le président américain avait estimé que le dirigeant « faisait plus de mal que de bien à Israël » avec sa conduite de la guerre à Gaza, où la situation humanitaire catastrophique ne cesse de s’aggraver.

La récente visite à Washington de Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien et grand rival politique de Benyamin Nétanyahou, a aussi été interprétée comme un indice de la défiance grandissante aux États-Unis envers le premier ministre israélien.

15 février

Le centriste n’avait pas vu Joe Biden, mais il avait rencontré la vice-présidente Kamala Harris et le chef de la diplomatie Antony Blinken.

Joe Biden et Benyamin Nétanyahou se sont parlé pour la dernière fois le 15 février, et l’ambiance entre les deux dirigeants, dont la relation a toujours été difficile, n’a cessé de se tendre depuis.

Au-delà du conflit et de la crise humanitaire, les deux hommes divergent complètement sur les perspectives à long terme pour la région. Le premier ministre israélien a rejeté publiquement et fermement la perspective d’un futur État palestinien, que défend la Maison-Blanche.  

« L’aide humanitaire ne peut être une considération secondaire ni une monnaie d’échange », avait lancé le président américain à l’adresse du dirigeant israélien, le 8 mars, dans un discours solennel au Capitole.

« Je lui ai dit, Bibi, il va bien falloir que tu te le rentres dans la tête », avait ensuite glissé Joe Biden lors d’un aparté avec un sénateur et Antony Blinken, en utilisant le surnom du premier ministre israélien.  

Réalisant qu’un micro avait capté cet échange informel, le président américain, loin d’apparaître contrarié, avait dit : « C’est bien. »