(Washington) Le président russe Vladimir Poutine ne doute pas qu’il remportera un nouveau mandat. L’élection qui le laisse dans l’expectative, et qui pourrait davantage influer sur sa politique, aura lieu huit mois plus tard aux États-Unis.

Publiquement, M. Poutine a déclaré qu’il préférait le président Joe Biden à son prédécesseur et aspirant successeur Donald Trump.

Mais les observateurs interprètent cette déclaration comme signifiant exactement le contraire, l’ancien homme fort du KGB espérant que cette notoriété donnera un coup de pouce au magnat républicain.

Donald Trump a exprimé son admiration pour M. Poutine, s’est déchaîné contre l’OTAN, et s’est vanté de mettre fin en un jour à la guerre en Ukraine, que la Russie a envahie il y a deux ans.

Et les partisans de Donald Trump au Congrès, invoquant un différend sans rapport sur l’immigration, bloquent l’adoption d’une aide militaire d’environ 60 milliards de dollars pour l’Ukraine, dont les troupes manquent de munitions sur le champ de bataille.

« Bon accord à bas prix »

Dans son discours annuel sur l’état de l’Union jeudi, M. Biden a critiqué M. Trump pour avoir dit qu’il encouragerait M. Poutine à « faire ce qu’il veut » si un pays membre de l’OTAN ne respectait pas ses engagements financiers envers l’alliance dominée par les États-Unis.

« Mon message au président Poutine, que je connais depuis longtemps, est simple : nous ne laisserons pas tomber. Nous ne plierons pas. Je ne plierai pas », a-t-il martelé.

Pour Leon Aron, chercheur à l’American Enterprise Institute, Vladimir Poutine attend l’élection américaine avant d’envisager tout changement significatif, sur le plan militaire ou diplomatique, en Ukraine.

« Je ne m’attends pas à ce que les Russes tentent une offensive majeure en Ukraine qui leur coûterait plusieurs centaines de milliers d’hommes. La raison en est que Poutine attend d’obtenir un bon accord à bas prix », dit-il.

Selon lui, M. Trump pourrait bloquer, s’il était élu en novembre, l’envoi d’armes à l’Ukraine et « le seul point d’interrogation serait alors de savoir à quel point l’Europe serait poussée » à renforcer son soutien à l’Ukraine.

Dans l’un des moments les plus critiqués de sa présidence, M. Trump avait semblé lors d’une réunion à Helsinki, prendre pour argent comptant un démenti de M. Poutine sur l’ingérence russe lors de l’élection de 2016, contre les conclusions des services de renseignements américains.

Ces derniers avaient conclu à une opération de la Russie pour soutenir le républicain au détriment de son adversaire démocrate Hillary Clinton.

Fiona Hill, une ancienne conseillère de la Maison-Blanche sous Donald Trump, explique que ce dernier considère M. Poutine comme une « figure emblématique ».

Il apparaît « comme quelqu’un qui est capable d’obtenir ce qu’il veut et qui ressemble à l’homme fort par excellence », selon cette ancienne responsable, qui a témoigné lors de la première procédure de destitution de M. Trump, et qui s’exprimait lors d’une récente réunion de conservateurs opposés au magnat de 77 ans.

« Déçus »

Les relations avec la Russie sont devenues un point de clivage partisan aux États-Unis, une évolution impensable il y a plusieurs décennies lorsque l’Union soviétique était considérée comme représentant la principale menace pour la plupart des Américains.

Certains conservateurs voient le président russe comme le gardien de valeurs chrétiennes traditionnelles, notamment en s’opposant aux droits des personnes LGBTQ.

En février, Tucker Carlson, ancien présentateur vedette de la chaîne de télévision Fox, a interviewé M. Poutine, et montré aux téléspectateurs une station de métro moscovite « plus belle que n’importe quelle station de notre pays », sans graffitis ni « odeurs nauséabondes ».

L’entretien a été largement critiqué pour son manque de questions difficiles, Poutine lui-même ayant déclaré qu’il s’attendait à ce que M. Carlson soit plus « agressif ».

Des personnalités telles que le sénateur républicain J. D. Vance et Elbridge Colby, un ancien responsable du Pentagone sous Trump, affirment que la Russie et l’Ukraine constituent une distraction par rapport à la menace plus pressante que représente, selon eux, la Chine.

L’ancien ambassadeur des États-Unis en Ukraine, John Herbst, estime cependant qu’il s’agit là d’une « petite frange » au sein du Parti républicain.

Aujourd’hui expert à l’Atlantic Council, il souligne que l’ancien président Trump a approuvé l’envoi de missiles antichars Javelin à l’Ukraine, une mesure à laquelle s’était opposé son prédécesseur Barack Obama, et qu’il ne s’est pas explicitement opposé à l’octroi d’une nouvelle aide à Kyiv.

« Il y a un certain écart entre ce que Trump a dit et ce que ses acolytes les plus fervents ont dit. Les Russes pourraient donc être déçus en cas de victoire de M. Trump », conclut l’expert.