(Washington) Contre l’avortement, mais pour les fécondations in vitro : Donald Trump et les républicains marchent ces jours-ci sur une ligne de crête, inquiets des conséquences sur l’élection présidentielle d’une décision judiciaire assimilant les embryons congelés à des enfants.

Cet arrêt, rendu vendredi dernier par la Cour suprême de l’Alabama, a conduit au moins trois cliniques de cet État du Sud américain à suspendre leurs procédures de fécondations in vitro (FIV), par crainte de poursuites judiciaires.

Mais l’affaire, directement liée au débat sur l’avortement, s’est rapidement hissée jusqu’en haut de la campagne électorale et a même conduit les adversaires Joe Biden et Donald Trump à partager – fait rare – une même opinion : il faut défendre l’accès aux fécondations in vitro.

Si la position ne représente rien de très nouveau pour les démocrates, elle illustre un certain malaise au sein du camp conservateur, qui ne cesse de se dire résolument « pro-vie », car elle relève d’une forme de contradiction.

« Précieux bébés »

Les juges conservateurs de la Cour suprême de l’Alabama ont estimé qu’une loi de 1872 sur les décès de mineurs imputables à une faute était applicable à une plainte de couples ayant vu leurs embryons congelés détruits.

« Cela s’applique à l’ensemble des enfants, nés ou à naître », écrit ainsi le juge Jay Mitchell dans le texte de la décision, parsemé de références bibliques.

Mais la conséquence directe de cette décision – la suspension des FIV par des cliniques de l’Alabama – déplaît elle-même au camp conservateur : elle entre en contradiction frontale avec sa défense des valeurs familiales traditionnelles.

Les équipes du procureur de l’État ont tenu à rassurer, vendredi, dans un communiqué : il « n’a aucune intention » d’utiliser cette décision de justice « pour poursuivre » ceux qui auraient recours aux FIV ou les professionnels impliqués.

Mais le doute est là, et la droite s’active pour marquer son soutien à cette procédure.

« Comme l’écrasante majorité des Américains, y compris la vaste majorité des républicains […], je soutiens fortement l’accès aux FIV pour les couples qui essaient d’avoir un précieux bébé », a déclaré vendredi sur son réseau Truth Social Donald Trump, ultra-favori pour remporter l’investiture de son parti en vue de la présidentielle de novembre.

« Sous mon leadership, le Parti républicain soutiendra toujours la création de familles américaines fortes », a écrit l’ancien homme d’affaires à l’immense influence sur son camp.

« C’est trop tard »

Un positionnement « malin et prévisible de la part d’un ancien président qui a aidé à dynamiter Roe v. Wade (l’arrêt de 1973 consacrant le droit à l’avortement) et qui a désormais le regard tourné vers une élection pour laquelle cela lui desservira », a analysé sur X un ancien stratège de Barack Obama, David Axelrod.

Depuis la décision fracassante de la Cour suprême des États-Unis, à majorité conservatrice car largement remaniée par Donald Trump, revenant sur la garantie constitutionnelle à l’IVG, la question de l’avortement est, en effet, devenue une machine à perdre pour les républicains.

À chaque référendum local abordant la question de l’IVG depuis l’arrêt de juin 2022, les conservateurs ont perdu, même dans des États qui leur sont d’habitude acquis, comme l’Ohio ou le Kansas.

Et, flairant le bon filon électoral, les démocrates embrayent sur le sujet.

Jeudi, le président Joe Biden a jugé la décision de l’Alabama « scandaleuse ».

Si les républicains « pensent qu’ils vont réussir à s’échapper » de la décision de l’Alabama, « ils se trompent, c’est trop tard », a déclaré à des journalistes le gouverneur démocrate du Minnesota, Tim Walz.

En attendant, Donald Trump et les républicains appellent à ce que les élus de l’Alabama résolvent le vide juridique et « trouvent rapidement une solution pour maintenir la disponibilité des FIV » dans l’État.

Ils sont déjà à l’œuvre. Un sénateur local et ses collègues « travaillent à une solution pour s’assurer que nous protégeons ces familles et la vie elle-même », a déclaré la gouverneure républicaine Kay Ivey.

« Le Parti républicain doit toujours se placer du côté du miracle de la vie », a encore lancé Donald Trump vendredi soir lors d’un meeting à Rock Hill, en Caroline du Sud.