Les partisans de Donald Trump redoublent d’ardeur dans leur défense des gestes commis par l’ex-président, qui fait face à 91 chefs d’accusation dans quatre procès différents. Pour la Dre Bandy X. Lee, psychiatre légiste et auteure des best-sellers The Dangerous Case of Donald Trump et Profile of a Nation : Trump’s Mind, America’s Soul, cela témoigne des dangers posés par le mouvement trumpiste. La Presse lui a parlé.

Q. La dernière fois que nous nous sommes parlé, après l’élection présidentielle de 2020, vous avez dit que nous entrions « dans la phase la plus dangereuse de la présidence de Donald Trump ». Quelques semaines plus tard, les partisans de Trump envahissaient le Capitole. Avec les nouvelles accusations criminelles déposées lundi contre Trump en Géorgie, comment décririez-vous la période actuelle ?

R. Je crois que les dangers sont encore plus grands maintenant qu’ils ne l’ont jamais été et que ce que nous vivons actuellement a le potentiel de profondément influencer l’avenir.

Nous savons que Donald Trump ne possède pas de capacité interne à se réguler. Il doit être contenu par des forces extérieures à lui-même. Le problème, c’est qu’il est entouré de facilitateurs et d’opportunistes qui ont appris à utiliser ces défauts pour faire progresser des idées non démocratiques et impopulaires. Je dois dire que ça fait peur de voir qu’une pathologie psychologique a été utilisée de cette façon.

Q. Donald Trump était président au moment des attaques du 6 janvier 2021 contre le Capitole. Aujourd’hui, il est redevenu un simple citoyen. Est-ce que vous croyez que cela amoindrit les dangers que posent ses gestes et ses attaques verbales ?

R. La dangerosité d’un individu n’est pas limitée à l’individu en tant que tel, mais est fonction de la situation, des circonstances. J’ai toujours dit que Donald Trump n’aurait pas été si dangereux s’il était resté un homme d’affaires et une personnalité de la télé. Mais la fonction de président a fait de lui la personne la plus dangereuse du monde. J’avais prédit que cette dangerosité ne s’en irait pas après sa défaite électorale et sa sortie de la Maison-Blanche, et on voit aujourd’hui que ses partisans le suivent toujours, qu’ils menacent les officiels, etc. C’est loin d’être terminé.

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Un partisan de Donald Trump devant le palais de justice Lewis R. Slaton, à Atlanta en Géorgie, mercredi

Ce que Donald Trump et ses partisans craignent par-dessus tout, c’est la vérité. Les procès intentés contre lui sont essentiellement des façons de faire ressortir cette vérité. C’est pour cette raison que je pense que nous sommes dans la période la plus dangereuse de ce qu’on pourrait appeler le phénomène Trump.

Q. Malgré les accusations qui s’empilent contre Donald Trump, très peu de ses partisans et très peu d’élus républicains en profitent pour se dissocier de lui. Au contraire, ils l’appuient davantage, du moins publiquement, et Donald Trump est toujours le principal candidat à l’investiture républicaine. Est-ce que cela vous surprend ?

R. Cela ne me surprend pas puisqu’ils ont tellement investi dans ses mensonges, ses fausses croyances et sa réalité parallèle qu’ils ne peuvent arrêter maintenant. Sinon, la perte est trop grande.

On en a eu un exemple durant la COVID-19, quand des républicains étaient si investis psychologiquement dans les idées de Trump qu’ils ne croyaient pas en la maladie. Ces gens pouvaient être à l’hôpital, aux soins intensifs, respirer avec un respirateur artificiel tellement leurs poumons étaient détruits par le virus, et ils étaient en colère contre leur médecin. Jusqu’à leur dernier souffle, ils affirmaient qu’on les trompait, qu’ils avaient en fait une réaction allergique, ou une pneumonie… Jusqu’à leur dernier souffle ! Voilà l’importance des mensonges de Trump pour eux !

Bien des gens se demandent comment Trump peut encore avoir l’appui du tiers des adultes américains malgré tout ce qui s’est passé. Mais c’est justement parce que ses mensonges sont si gros, et que ses crimes allégués sont si importants, qu’il a une base si fervente.

Q. La prochaine année risque d’être remplie de révélations sur les actions de Trump après son échec électoral de 2020. Jusqu’ici, les démocrates et Joe Biden n’ont pas voulu trop faire de commentaires dans ces dossiers. Est-ce que c’est la bonne stratégie, selon vous ?

R. Je pense qu’il faut croire au processus judiciaire, il faut croire que la vérité va remonter à la surface durant les procès. Cela dit, depuis de début du phénomène Trump, je crois qu’il aurait dû y avoir un processus psychiatrique, un travail fait par les psychiatres américains pour alerter le public. Mais l’Association américaine de psychiatrie a rapidement interdit aux experts en santé mentale de se prononcer sur ce qu’ils voyaient en la personne de Trump et dans son mouvement.

Il n’est pas exclu, selon moi, qu’on assiste à d’autres épisodes de violence alors que la vérité sera mise au jour, et que cela va mettre en colère les partisans de Trump. Mais il ne faut pas se laisser faire par la violence, les menaces et les insultes. Ultimement, ce processus va mener à un monde moins violent qu’il ne l’aurait été si Trump avait pu continuer ses mensonges.