Les rues de Montpelier, englouties après des pluies torrentielles, sont réapparues mercredi. Nos envoyés spéciaux racontent le dur lendemain des inondations dans la capitale de cet État voisin du Québec.

Le centre-ville de Montpelier était une véritable zone sinistrée, mercredi, au lendemain d’une crue historique qui a touché la capitale du Vermont. La Presse est allée constater l’ampleur des dégâts en même temps que la majorité de ses habitants.

« Ce ne sont pas des déchets, c’est 12 ans de rêve qui se sont envolés », lance Richard Sheir, devant la boutique The Quirky Pet, située en plein centre-ville de Montpelier. Le sympathique barbu s’affaire à sortir tout le mobilier abîmé par la crue spectaculaire qui a littéralement transformé le centre de la municipalité de 8000 habitants en zone sinistrée.

Sa conjointe, Cindra Conison, la propriétaire de la boutique spécialisée dans les friandises pour animaux, montre d’un signe de la main à quelle hauteur l’eau est montée dans son commerce qu’elle a lancé 12 ans plus tôt. « Il y avait quatre pieds d’eau. C’était haut comme ça », signale-t-elle.

Malgré l’état d’urgence déclaré par le gouvernement fédéral, le cœur de la capitale du Vermont fourmillait, mercredi, et les passants étaient nombreux, venus aider un ami ou un membre de la famille. Certains portaient de longues bottes en caoutchouc et même un masque. Une odeur de poussière et d’humidité flottait dans l’air. Une fois à l’intérieur d’un des commerces inondés, on comprend tout de suite pourquoi certains portent un masque : l’odeur peut devenir difficile à supporter si on y reste plusieurs minutes.

Sur Main Street et State Street, la même scène devant pratiquement chaque adresse : tout le matériel abîmé par l’inondation est déposé sur le trottoir.

Une mince couche de poussière recouvre la rue, vestige de la boue transportée par la crue des eaux qui a envahi le centre-ville lundi et mardi. La rivière Winooski a cependant retrouvé son lit et coule paisiblement.

Il est tombé en deux jours l’équivalent de deux mois de pluie sur le Vermont. Dans certains secteurs, entre 18 et 23 cm de pluie ont provoqué plusieurs inondations. Signe des changements climatiques ? Il faut généralement une étude d’attribution pour confirmer un lien entre un évènement météo en particulier et le climat. Mais plusieurs experts ont estimé que les pluies diluviennes qui venaient de toucher le nord-est des États-Unis étaient fort probablement attribuables aux transformations du climat.

Signe d’un climat de plus en plus changeant, des inondations ont également entraîné, mercredi, l’évacuation de 40 000 personnes à l’autre bout du monde, dans la province du Sichuan en Chine. Au Japon, mardi, des inondations et des glissements de terrain ont fait 6 victimes, alors que le pays du Soleil levant connaît un record de précipitations depuis le début du mois de juillet, a signalé l’agence météorologique japonaise.

De nombreux records de température ont d’ailleurs été battus sur la planète en juillet et de nombreux indices laissent croire que 2023 deviendra l’année la plus chaude depuis les débuts de l’ère préindustrielle, fracassant le record établi en 2016.

D’autres précipitations à venir

Au Vermont, on attend la fin de la semaine avant de ranger bottes, pelles et pompes à eau. D’autres précipitations sont attendues jeudi et vendredi et les autorités sont toujours sur un pied d’alerte. Mais le pire est passé, espère-t-on.

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Nicole Bachand, responsable de la maison de jeunes de Montpelier, près de tout le matériel endommagé par les des inondations

C’est du moins le souhait de Nicole Bachand, responsable de la maison de jeunes de Montpelier. Situé au sous-sol de l’hôtel de ville, le local a été inondé et tout le matériel gît maintenant pêle-mêle dans le stationnement. « Nous avons tout perdu », dit-elle, se désolant pour la centaine de jeunes qui fréquentaient les lieux.

De l’autre côté de la rue, deux femmes discutent devant la boutique Capital Cannabis. Si le local a été inondé, les stocks ont pu être déplacés ailleurs avant l’arrivée du déluge, précisent-elles. Tout près, plusieurs personnes s’affairent au Alpenglow Fitness, un gymnase, où l’on espère sauver les meubles, en quelque sorte. Matt McLane est venue prêter main-forte à sa nièce, propriétaire de l’établissement. On espère notamment que les vélos stationnaires pourront de nouveau être utilisés.

Le restaurant Pho Thai Express, lui, est fermé. Du 10 juillet au 27 août, indique une affiche dans la vitrine. Son propriétaire est en Thaïlande pour une partie de l’été, indique un passant. « Il va avoir une mauvaise surprise à son retour », ajoute-t-il.

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Jane Knight, employée de la librairie Bear Pond Books, à Montpelier

« Quand nous sommes arrivés ce matin, il y avait de la boue partout », lance Jane Knight qui travaille à la librairie Bear Pond Books depuis 1995. Selon elle, environ 20 % des livres sont perdus. Le plancher sera à refaire entièrement, ajoute-t-elle.

Les dommages sont peut-être encore plus importants à la boutique de sport Onion River Outdoor. Ils sont des dizaines à nettoyer vélos, bottes de ski et autres équipements qui sont maintenant dans le stationnement. Jeb Wallace-Brodeur est venu donner un coup de main à ses amis après trois jours à photographier la catastrophe pour le journal local, The Barre-Montpelier Times Argus. « Si vous voulez des photos spectaculaires, allez à Barre, vous allez être servis », conseille-t-il.

Impossible de marcher sans bottes 

À Barre, située à une dizaine de kilomètres de Montpelier, les dégâts sont en effet encore plus importants. Dans certaines rues, impossible de marcher sans bottes : il y a de la boue partout. Des travailleurs retirent les débris d’une maison qui s’est partiellement effondrée sur North Main Street. La police contrôle la circulation pendant qu’un camion de la Croix-Rouge nous dépasse.

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À l’aide d’un tracteur, ce résidant de Barre tente de chasser de l’eau et de la boue de son terrain.

À quelques mètres de là, plusieurs voitures ont été endommagées chez Ayer Auto Sales, qui jouxte la voie ferrée. Elle non plus n’a pu résister à la puissance de l’eau.

Dans sa malchance, le plus chanceux d’entre tous est peut-être l’homme d’affaires Frederic Bashara, croisé devant l’édifice qu’il a officiellement vendu quelques jours plus tôt. Il a eu moins de chance cependant avec le cinéma de Montpelier juste en face, où l’eau est montée jusqu’au bas de l’écran où les films étaient encore projetés le week-end dernier.

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L’homme d’affaires Frederic Bashara (au centre), devant le cinéma de Montpelier

À l’affiche, mercredi, We will be Back After a Brief Intermission (« Nous serons de retour après un bref entracte ») est inscrit au programme. « Une idée de l’un de mes petits-fils », lance M. Bashara, une façon de souligner que Montpelier saura se relever après une telle catastrophe.

« Nous sommes tous là pour aider, c’est ce qu’on fait ici », dit-il fièrement.