En décembre 2022, la Chambre des représentants du Congrès américain adoptait une enveloppe de 45 milliards d’aide à l’Ukraine aux prises avec l’invasion russe. Or, cette somme a presque été entièrement distribuée. Que fera maintenant la Chambre, dont le contrôle est passé aux républicains ? La Presse en a discuté avec trois experts.

Le 23 décembre 2022, la Chambre des représentants adoptait par 225 voix contre 201 une loi omnibus permettant au gouvernement de consacrer 1,7 billion en dépenses pour ses différents programmes jusqu’à la fin de l’année fiscale (30 septembre).

Ce qu’il faut savoir

  • En décembre 2022, la Chambre des représentants, encore à majorité démocrate, attribue une enveloppe de 45 milliards de dollars US à l’Ukraine.
  • Depuis cette date, près de 40 milliards  US ont été distribués ou dépensés. La Chambre des représentants devra bientôt voter sur une nouvelle allocation.
  • Mais depuis le 3 janvier 2023, la majorité de la Chambre est contrôlée par les républicains.
  • Selon trois experts consultés par La Presse, les élus sont cependant très conscients que les États-Unis ne peuvent laisser la Russie gagner la guerre.

Dans le lot, on retrouvait une somme d’environ 45 milliards réservée pour l’aide militaire, économique et humanitaire à l’Ukraine, soit 7 milliards de plus que demandé par la Maison-Blanche. Les démocrates se félicitaient.

Mais à la suite des élections de mi-mandat de novembre 2022, le contrôle de la Chambre est passé aux républicains le 3 janvier 2023. Et la somme réservée pour l’Ukraine est sur le point d’être atteinte. Il reste quelques milliards dans la caisse, après quoi le Congrès devra voter une nouvelle enveloppe.

Mais… le fera-t-il ? Quelle sera la position des républicains ? Le sujet est revenu dans plusieurs médias américains au cours des dernières semaines.

« Un conflit par procuration » entre Américains et Russes

Pour Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, il ne fait pas de doute que le Congrès va réitérer son appui à l’Ukraine. Et ça devrait rester ainsi jusqu’à l’élection présidentielle de novembre 2024, estime-t-il.

« Je serais estomaqué de voir la Chambre faire autrement, dit-il en entrevue. Même si on a maintenant une chambre à majorité républicaine, il faut quand même comprendre que la très nette majorité des membres du Congrès, au Sénat comme à la Chambre des représentants, est clairement derrière l’Ukraine et surtout en opposition à la Russie. »

La Russie ? Oui, répond M. Jacob. Dans les lignes de presse officielles, l’aide américaine à l’Ukraine est présentée comme « une lutte contre l’autocratie », poursuit l’expert, mais de façon sous-jacente, on assiste à « un conflit par procuration » entre Américains et Russes.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, Rafael Jacob

À Washington, on ne veut pas et on ne peut pas permettre à Vladimir Poutine de gagner.

Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand

Ce que confirme aussi Michael O’Hanlon, directeur de la recherche en politique étrangère et fellow à la Brookings Institution, un groupe de réflexion de Washington.

« Même si les républicains cherchent par tous les moyens à affaiblir l’administration Biden, ni Kevin McCarthy [président de la Chambre des représentants] ni Mitch McConnell [leader de la minorité républicaine au Sénat] n’a une position MAGA [lire : proche de l’ex-président Donald Trump] dans leur façon de voir la guerre », dit-il.

Obstacles à l’horizon

Dans ses plus récentes apparitions publiques, M. Trump est demeuré nébuleux quant à sa position face à l’Ukraine et répète être capable de régler le conflit en 24 heures.

Les républicains pourraient tenter de négocier une réduction des budgets alloués à l’Ukraine, mais certainement pas les réduire à zéro, croit M. O’Hanlon.

Professeure associée au département de science politique de l’Université Northwestern, en Illinois, Laurel Harbridge-Yong estime de son côté que le passage d’une nouvelle législation pourrait se buter à plus d’obstacles qu’en décembre 2022.

« La Chambre joue un rôle de gardienne des législations et c’est évidemment plus facile lorsque la majorité de cette Chambre est du même parti que le président, dit-elle. Or, une aile des républicains, le House Freedom Caucus [44 représentants ultraconservateurs, selon les plus récents décomptes] est très opposée aux dépenses. Cela rend les négociations plus difficiles, surtout avec le Sénat à majorité démocrate. »

« D’une chambre à l’autre, les priorités ne sont pas les mêmes, poursuit-elle. Les républicains à la Chambre pourraient adopter une enveloppe pour l’Ukraine tout en coupant ailleurs, dans un ou des programmes chers aux démocrates. Mais ça se buterait au vote du Sénat. »

Oups ! On a trouvé 6 milliards !

Par ailleurs, des médias américains ont récemment annoncé que le Pentagone, qui distribue l’aide militaire américaine en Ukraine, a récemment découvert avoir à sa disposition 6,2 milliards supplémentaires pour aider le pays au drapeau jaune et bleu, et ce, à la suite… d’une erreur comptable.

Dans leurs savants calculs, les services militaires auraient en effet utilisé les coûts de remplacement plutôt que la valeur comptable des équipements qui ont été retirés des stocks du Pentagone et envoyés en Ukraine.

La nouvelle date du 20 juin. À noter qu’un mois plus tôt, l’évaluation de l’erreur était de 3 milliards, pour être ensuite revue à 6,2 milliards.

« Le Pentagone a des façons assez créatives de trouver des milliards de dollars qui traînent », indique en riant Rafael Jacob à propos de cette découverte.

Depuis le début de la guerre, le gouvernement américain a consacré environ 113 milliards US à l’aide à l’Ukraine.

Avec Politico, The Washington Post, CNN, Associated Press et The Hill

Zelensky espère « le meilleur résultat » au sommet de l’OTAN

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit espérer dimanche « le meilleur résultat possible » du sommet de l’OTAN de Vilnius débutant ce mardi, au cours duquel Kyiv espère voir se concrétiser ses aspirations d’intégrer l’Alliance.

L’Ukraine doit recevoir lors du sommet de Vilnius des « garanties de sécurité » de la part des Occidentaux, faute d’une adhésion accélérée à l’Alliance comme elle l’espérait. M. Zelensky, comme le chef de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a reconnu que cette perspective était improbable avant la fin de la guerre avec la Russie.

Le président américain Joe Biden s’est montré inflexible sur la question.

« Je ne pense pas qu’elle soit prête à faire partie de l’OTAN », a-t-il balayé dans une interview à la chaîne américaine CNN à propos de l’Ukraine, soulignant également qu’il n’y avait pas d’unanimité parmi les alliés sur la perspective de faire entrer Kyiv « au beau milieu d’une guerre ». « Nous serions en guerre contre la Russie, si c’était le cas », a-t-il alerté.

Agence France-Presse

En savoir plus
  • 36 milliards
    Sur l’enveloppe d’aide à l’Ukraine adoptée par la Chambre des représentants le 23 décembre, environ 36 milliards étaient destinés à de l’aide militaire (chars, véhicules blindés, munitions, etc.).
    SOURCE : POLITICO