Le nombre de cas de mortalité maternelle a bondi aux États-Unis en 2021 et cette situation serait notamment imputable à la COVID-19.

Au cours de l’année 2021, 1205 femmes sont mortes de causes maternelles durant leur grossesse ou dans les 42 jours suivant leur accouchement, aux États-Unis. Ce nombre était de 861 en 2020 et de 754 en 2019, indique une étude du Centre national de statistiques sur la santé (NCHS).

En 2021, le taux de mortalité a atteint 32,9 décès pour 100 000 naissances, en comparaison de 23,8 pour 100 000 en 2020, de 20,1 pour 100 000 en 2019 et de 17,4 pour 100 000 en 2018. Il s’agit du plus haut taux de mortalité maternelle dans les pays industrialisés.

En comparaison, les taux de mortalité maternelle au Canada étaient de 8,37 pour 100 000 en 2020 et de 8,60 pour 100 000 en 2019. Les données pour 2021 seront dévoilées en juillet.

« On doit attendre les données, mais je ne m’attends pas à des changements marqués, nous dit le DRichard Brown, directeur des divisions obstétrique et médecine fœto-maternelle au CUSM. Les cas de mortalité maternelle sont très rares dans la région de Montréal. Pour ceux dont j’ai eu connaissance, les principales causes de décès étaient la thromboembolie veineuse et l’hémorragie. Pas la COVID. »

La COVID-19 mise en cause

Une analyse plus fine des statistiques de la NCHS démontre hors de tout doute que les risques de cas de mortalité augmentent avec l’âge et sont plus élevés chez les femmes afrodescendantes. Mais l’épidémie de COVID-19 est aussi responsable de nombreux décès.

C’est d’ailleurs la conclusion du U.S. Government Accountability Office (GAO) – l’équivalent du bureau du Vérificateur général au Canada – dans une publication datée du 19 octobre 2022. Le GAO estimait alors à 1178 (données provisoires) le nombre de mortalités maternelles en 2021, dont 401 étaient imputables à la COVID-19.

Les femmes enceintes atteintes de COVID-19 sont plus susceptibles de connaître des complications, des maladies graves ou des décès.

Extrait du rapport du GAO

Selon un article du New York Times, les femmes enceintes sont plus vulnérables aux maladies infectieuses, notamment parce que le système immunitaire se concentre sur le fœtus.

« En général, les maladies pulmonaires durant la grossesse ont tendance à être plus difficiles, remarque la Dre Marjorie Meyer, professeure au collège Larner de médecine à l’Université du Vermont et jointe par La Presse à Burlington. Je ne pense pas que nous savons pourquoi, mais les femmes atteintes doivent avoir de bonnes réserves cardiaques. »

Jeudi, le Collège des obstétriciens-gynécologues des États-Unis (ACOG) a réagi aux statistiques du NCHS en rappelant avoir sonné l’alarme dans le passé. « L’ACOG a précédemment exprimé sa grande inquiétude quant au fait que la pandémie de COVID-19 aggraverait la crise de la mortalité maternelle aux États-Unis », indique-t-on dans un communiqué.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle cependant à ne pas tirer des conclusions hâtives. « La stagnation des réductions de la mortalité maternelle est antérieure au début de la pandémie. Celle-ci a peut-être contribué à l’absence de progrès, mais ne représente pas l’explication complète », indique l’OMS dans un document publié le 23 février.

On indique par exemple qu’il faut faire une distinction entre les décès imputables à l’interaction entre grossesse et COVID-19 et ceux imputables à l’interruption des services de santé durant la pandémie.

Disparités

Toujours selon le New York Times, le variant Omicron est moins virulent que le variant Delta, ce qui se traduirait par une mortalité maternelle moindre. « Des chiffres préliminaires pour 2022 indiquent que la mortalité maternelle chute à des niveaux pratiquement prépandémiques », affirme-t-on d’ailleurs dans ce reportage.

Ce qui ne semble pas changer, toutefois, ce sont les disparités. Chez les femmes noires américaines, les taux de mortalité maternelle sont deux fois plus élevés que ceux de l’ensemble de la population. En 2021, ce taux était de 69,9 pour 100 000 naissances, soit deux fois plus élevé que celui des femmes blanches (26,6 pour 100 000).

À ce sujet, l’ACOG a vivement dénoncé l’« aggravation des inégalités raciales en matière de santé », ce qui se traduit par un « nombre disproportionné de décès maternels à des taux croissants et alarmants » chez les femmes noires.

« Cette tendance doit être stoppée, lance l’organisme. L’ACOG plaide fermement pour des politiques axées sur l’amélioration des résultats en santé maternelle, dont le prolongement obligatoire de la couverture Medicaid post-partum de 60 jours à 12 mois. »

Observations que partage Bahman Kashi, professeur adjoint en économie à l’Université Queen’s de Kingston. « Contrairement au Canada, les soins de santé ne sont pas gratuits aux États-Unis, rappelle-t-il en entrevue. Les gens se “magasinent” des services, et quand les temps sont durs, ils en laissent tomber certains. Ça peut être le cas avec des visites régulières chez le médecin durant la grossesse. Les gens moins fortunés vont avoir tendance à les laisser tomber. Mais ce faisant, les risques de complications augmentent avec le temps. »

Avec le New York Times et NPR

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    Nombre de femmes mortes durant leur grossesse ou après l’accouchement dans le monde en 2020. Près de 95 % de ces décès sont survenus dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires inférieurs et auraient pu être évités.
    Organisation mondiale de la santé