(Washington) Après de longues tergiversations, les États-Unis vont livrer 31 chars Abrams à l’Ukraine pour l’aider à combattre l’invasion russe, a annoncé mercredi le président Joe Biden, dans la foulée du feu vert allemand à l’envoi de chars à Kyiv et en dépit des avertissements de Moscou.

Cette livraison ne devrait toutefois pas se faire avant « plusieurs mois », d’après le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Kirby.

L’annonce est un revirement pour les États-Unis, qui jusqu’ici se disaient réticents à fournir leurs chars lourds les plus avancés à Kyiv, avançant des raisons de maintenance et de formation.  

Il s’agit d’« aider l’Ukraine à défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale », a déclaré M. Biden lors d’une brève allocution. « Il ne s’agit pas d’une menace offensive contre la Russie », a-t-il insisté.

Le président russe Vladimir « Poutine s’attendait à ce que la détermination de l’Europe et des États-Unis faiblisse. Il s’attendait à ce que notre soutien à l’Ukraine s’effrite avec le temps. Il avait tort », a lancé le président américain.

Plus tôt mercredi, M. Biden s’est entretenu de l’Ukraine avec les dirigeants allemand, français, italien et britannique.

Pendant cet appel en audioconférence, « les cinq dirigeants ont réaffirmé leur soutien indéfectible à l’Ukraine, qu’ils maintiendront aussi longtemps que nécessaire pour que l’Ukraine l’emporte », a dit l’Élysée.

Les chars Abrams font partie d’un ensemble d’aides militaires d’un montant de 400 millions de dollars, qui comprend des munitions et des fonds pour la formation et l’entretien.

Type de combats

L’annonce américaine intervient après que l’Allemagne a donné son aval à l’envoi de chars lourds Leopard 2 à l’Ukraine, au terme de semaines d’atermoiements.  

Kyiv réclamait avec insistance aux Occidentaux des chars modernes, en déplorant leur « indécision ».

La semaine dernière encore, le numéro trois du Pentagone, Colin Kahl, soulignait que le char Abrams était « un équipement très compliqué ».

« Il est cher, il requiert une formation difficile, il a un moteur d’avion à réaction. Je crois qu’il consomme 11 litres de kérosène au km », avait expliqué M. Kahl, sous-secrétaire à la Défense pour la stratégie. « Ce n’est pas le système le plus facile à entretenir », avait-il ajouté.

Interrogé sur les raisons du changement de position de Washington, John Kirby a tenu à rappeler que les Américains n’avaient pas catégoriquement exclu l’envoi de chars par le passé.

Et « ce qui a changé, ce sont les conditions sur le terrain et le type de combats dans lesquels sont engagés les Russes en ce moment. Et surtout, le type de combats dont nous pensons que les Ukrainiens devront être capables dans les semaines et les mois à venir en 2023 », a-t-il ajouté.

Les Abrams, « les chars les plus puissants du monde », ne vont toutefois pas être livrés tout de suite, selon M. Kirby. Cela prendra « probablement plusieurs mois », a-t-il dit.

« Extrêmement dangereuse »

Washington n’a pas dit clairement si les véhicules devant être envoyés seraient de nouveaux chars, des chars rénovés ou provenant de pays tiers.

Un responsable américain a dit à l’AFP que la provenance exacte des chars « n’a(vait) pas encore été déterminée ».

« Le Pentagone dit qu’il n’a pas d’Abrams en trop dans son inventaire, que tous sont en cours d’utilisation pour la défense de notre propre sécurité nationale », a dit M. Kirby.

« Et même s’il y avait des chars en trop, le processus consistant à les faire parvenir à l’Ukraine pour les préparer à être utilisés par les Ukrainiens, former les Ukrainiens […] prendrait plusieurs mois de toutes les manières », a-t-il affirmé.

De hauts responsables américains avaient expliqué mercredi matin à des journalistes que 31 chars seraient précisément livrés parce que ce chiffre correspond à la composition d’un bataillon de chars ukrainiens.

Les Ukrainiens seront formés au maniement du char « en dehors de l’Ukraine », selon M. Kirby.

Ces derniers jours, la pression s’était accrue sur le chancelier allemand Olaf Scholz pour qu’il donne son feu vert à la livraison de Leopard. Mercredi, il a donné son accord à la livraison par la Pologne et d’autres pays qui le souhaiteraient de chars Leopard 2, tout en affirmant vouloir éviter « une escalade » qui conduirait à une guerre entre la Russie et l’OTAN.  

Moscou a de son côté dénoncé une décision « extrêmement dangereuse qui va amener le conflit vers un nouveau niveau de confrontation ».

En tout, Washington a alloué plus de 27 milliards de dollars en aide sécuritaire à l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022.