(Washington) En mai 2018, Andrés, un Hondurien de 6 ans, a été arraché, malgré ses cris et ses coups de pied, des bras de son père par des gardes-frontières américains. Il a fallu près de dix mois pour qu’ils soient réunis. Mais des centaines d’enfants séparés, comme lui, de leurs parents par le gouvernement de Donald Trump attendent toujours de les retrouver.

« Réparer les douleurs horribles imposées à ces familles est une priorité » du nouveau président américain Joe Biden, selon un haut responsable de son administration. Comme promis pendant sa campagne, le démocrate mettra donc en place, par décret mardi, un groupe de travail dédié à cette tâche.

La mission, qui vise à effacer « un échec moral, une honte nationale », s’annonce toutefois complexe, tant l’ampleur et les conséquences de la politique de son prédécesseur restent mal connues.

Tolérance Zéro

Dès 2017, l’administration républicaine évoque l’idée de séparer les familles de migrants entrées illégalement aux États-Unis, comme moyen de dissuasion.  

Sa politique dite de « Tolérance Zéro » est officiellement lancée en avril 2018. Elle consiste à ouvrir des poursuites pénales contre toute personne entrée illégalement à la frontière avec le Mexique. Conséquence : les parents peuvent être immédiatement placés en détention sans leurs enfants.

C’est dans ce cadre que le jeune Andrés et son père sont séparés, ce dernier étant immédiatement renvoyé vers le Honduras. C’est aussi le cas de Karina, 13 ans, à qui l’on passe des menottes pour la contrôler pendant que sa mère est emmenée loin d’elle, selon des documents judiciaires qui relatent leur calvaire sous des noms d’emprunt.

Les drames vécus par ces enfants suscitent un tollé jusque dans les rangs républicains, si bien que Donald Trump ordonne dès juin d’y mettre un terme, un juge imposant de son côté la réunification des familles divisées.  

Des chiffres flous

Dans un premier temps, les autorités ont estimé devoir réunir 2700 familles. Aujourd’hui, on estime que plus de 5000 mineurs ont en fait été séparés de leurs parents, dont une partie avant la mise en place officielle de la politique de Tolérance Zéro.  

L’administration Trump a rechigné à fournir des informations sur les parents et les mineurs affectés, si bien que des associations ont dû agir en justice pour obtenir des informations.  

Selon un document judiciaire datant de janvier, 611 enfants victimes de cette politique n’ont toujours pas été identifiés. Dans 392 cas, leurs parents ont été expulsés vers leur pays d’origine, les autres sont a priori sans-papiers aux États-Unis.

« Personne ne connaît vraiment l’étendue » du problème, « il pourrait y avoir jusqu’à un millier » d’enfants toujours séparés de leurs parents, a reconnu un haut responsable du gouvernement démocrate lors d’un point-presse. Le groupe de travail constitué par Joe Biden aura pour première mission de les localiser.

À la carte

La seconde mission du groupe de travail, qui sera piloté par le ministre de la Sécurité intérieure, sera de « faire des recommandations » sur les moyens de réunir ces familles, selon la Maison-Blanche.

Les associations de défense des migrants réclament que les parents expulsés puissent revenir aux États-Unis avec un titre de séjour et que ceux qui vivent dans l’illégalité sur le sol américain soient régularisés. Elles réclament aussi la prise en charge des soins nécessaires pour réparer les traumatismes psychiques causés aux enfants.

Sans fermer la porte à ces demandes, l’administration reste prudente. Le groupe de travail « prendra en compte toutes les options qui existent en droit de l’immigration », mais « cela dépendra des situations individuelles, des préférences des familles et de l’intérêt de l’enfant ».

La poursuite des séparations ?

Après avoir renoncé à sa politique de Tolérance Zéro, l’administration Trump a encore séparé un millier de familles, en vertu de règles qui permettent d’arrêter un parent sans-papiers s’il a commis un délit sérieux ou représente une menace pour son enfant. Selon les associations, cette règle a été détournée et utilisée contre des parents ayant commis des petits délits, notamment des infractions au Code de la route.

Le groupe de travail créé par Joe Biden aura donc également pour mission « de recommander les mesures nécessaires pour empêcher ces tragédies de se répéter ».