L'affaire est dans le sac. Selon la moyenne des sondages, Barack Obama sera élu demain à la présidence des États-Unis par une marge de 7 points. À moins que « l'effet Bradley » ne contribue à une victoire inattendue de John McCain.

«L'effet Bradley» ? C'est le nom que journalistes, sondeurs et universitaires donnent à un phénomène dont l'existence même a fait l'objet d'un vif débat durant toute la campagne présidentielle. L'expression a vu le jour en 1982 après la défaite imprévue de l'ex-maire démocrate de Los Angeles, Tom Bradley, qui briguait le poste de gouverneur de Californie. Opposé à George Deukmejian, un républicain blanc, le candidat noir jouissait d'une solide avance dans les sondages à quelques jours du scrutin. Or, son adversaire devait causer la surprise en remportant une victoire à l'arraché.Que s'était-il passé ? Une théorie a vite vu le jour selon laquelle plusieurs électeurs blancs avaient menti aux sondeurs parce qu'ils ne voulaient pas passer pour des racistes ou donner l'impression d'être opposés au progrès racial. Une fois dans l'isoloir, cependant, ils avaient voté pour le candidat blanc. Tel serait «l'effet Bradley», qui se serait manifesté dans d'autres campagnes historiques opposant un candidat noir à un candidat blanc.

On parle aussi de «l'effet Wilder» ou de «l'effet Dinkins». Le 8 novembre 1989, Douglas Wilder et David Dinkins devinrent les premiers Noirs à se faire élire respectivement gouverneur de la Virginie et maire de New York. Deux semaines avant le scrutin, ils devançaient leur principal rival par plus de 15 points. Or, les deux hommes remportèrent la victoire par un cheveu.

«L'effet Bradley» avait-il joué un rôle dans ces élections ? Et se manifestera-t-il à nouveau demain ?

L'ironie veut que le phénomène qui a donné naissance à cette expression n'explique pas le résultat de l'élection californienne de 1982. Les experts s'accordent aujourd'hui à dire que les sondeurs de l'époque n'avaient pas tenu compte des centaines de milliers de votes par anticipation générés par une campagne républicaine agressive. Ils avaient par ailleurs cessé trop tôt leurs études pour mesurer l'impact d'un thème - le contrôle des armes à feu - que les républicains avaient exploité à profit dans les derniers jours de la campagne.

Andrew Kohut, directeur des sondages au Pew Research Center, ne croit pas à la théorie qui veut que des électeurs mentent aux sondeurs de peur de passer pour des racistes.

«Pour que les gens mentent, il faudrait qu'il y ait quelque chose de mal à dire qu'on vote pour Hillary Clinton ou John McCain plutôt que pour Barack Obama. Or, ce n'est pas le cas», dit-il.

Le sondeur explique les différences entre les sondages et les résultats des élections mettant aux prises un Blanc et un Noir par les difficultés qu'éprouvent les sondeurs à rejoindre certains électeurs moins instruits, qui sont plus intolérants sur la question raciale.

«Les gens qui acceptent de participer aux sondages sont en général plus instruits et plus tolérants», dit-il.

En d'autres mots, l'affaire n'est peut-être pas dans le sac pour Barack Obama.