L'Iran et les grandes puissances entament mardi à Vienne les négociations finales en vue d'un accord historique sur le programme nucléaire de Téhéran, un marathon diplomatique dont l'issue demeure incertaine.

Après un an de discussions intensives, les diplomates ont désormais moins de sept jours --la date butoir est fixée au lundi 24 novembre-- pour tenter de solder un dossier qui empoisonne les relations internationales depuis douze ans.

Le coup d'envoi de ces ultimes négociations sera donné mardi par la représentante de l'Union européenne dans ce dossier, Catherine Ashton, qui doit déjeuner avec le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif.

Dans l'après-midi, les représentants des grandes puissances du «5+1» (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) et M. Zarif effectueront un premier tour de table pour rapprocher leurs positions. Les autres ministres des Affaires étrangères, dont l'Américain John Kerry, sont attendus dans la semaine à Vienne.

Les grandes puissances soupçonnent depuis 2002 la République islamique de vouloir se doter de la bombe atomique sous couvert d'un programme nucléaire civil. Ce que Téhéran dément farouchement, tout en revendiquant son droit à exploiter une filière nucléaire civile complète.

La controverse a occasionné des tensions allant jusqu'à des menaces de guerre, alimentées notamment par la crainte qu'un Iran nucléaire inspire à Israël et aux pays arabes du Golfe.

Frappé de lourdes sanctions internationales, l'Iran souhaite la levée de ces mesures qui étouffent son économie, tandis que les grandes puissances exigent que Téhéran limite ses capacités nucléaires de façon à rendre l'option militaire virtuellement impossible.

«Questions importantes» en suspens  

Relancées fin 2013 et prolongées en juillet dernier, les négociations doivent aboutir d'ici au 24 novembre.

Toutes les parties ont affiché leur volonté de parvenir à un accord. M. Kerry a jugé qu'il s'agit de «la meilleure chance que nous ayons jamais eue de résoudre ce problème pacifiquement». Le négociateur iranien Abbas Araghchi a évoqué «un scénario dangereux pour le monde entier» en cas d'échec.

Mais les obstacles restent nombreux, et «des questions importantes» restent à régler, comme le rappelle le ministre français Laurent Fabius.

Les négociateurs doivent d'abord trancher la question des capacités d'enrichissement d'uranium que l'Iran pourrait conserver après un accord. Téhéran exploite des milliers de centrifugeuses susceptibles de fournir la matière première pour des bombes atomiques.

Le réacteur à eau lourde d'Arak, un équipement qui pourrait produire du plutonium -l'autre voie d'accès à l'arme nucléaire- est l'une des autres questions débattues, tout comme le régime d'inspections de l'ONU auquel l'Iran serait soumis après un accord, ou encore le rythme de la levée des sanctions.

Sur ce dernier point, une source occidentale reproche à l'Iran de «vouloir tout, tout de suite, ce qui n'est pas du tout réaliste».

Un éventuel accord ouvrirait la voie à une normalisation des relations entre l'Iran et l'Occident, et à de possibles coopérations, notamment avec Washington, face aux crises en Irak et en Syrie.

Ajournement risqué 

Il réduirait aussi le risque de prolifération nucléaire au Proche-Orient. Enfin, il permettrait à l'Iran de relancer son économie en reprenant toute sa place parmi les principaux producteurs mondiaux de pétrole.

L'enjeu est suffisamment important pour que Washington et Moscou aient mis de côté leurs divergences en cours sur l'Ukraine.

Mercredi 13 novembre, John Kerry et Sergueï Lavrov, son homologue russe, ont ainsi appelé ensemble à «trouver un accord global le plus rapidement possible» sur le nucléaire iranien.

Dimanche, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a toutefois mis en garde la communauté internationale contre toute naïveté face à Téhéran, dont il a dénoncé la «ruse».

Mais nombre d'analystes ne croient guère à un accord définitif le 24. Selon eux, il est plus probable que l'Iran et le «5+1» concluent un «accord intérimaire» permettant de prolonger la discussion, comme cela a déjà été fait en juillet.

Le négociateur russe Sergueï Riabkov juge lui aussi possible «une alternative» conclue en dernière minute «au soir du 23 novembre» pour éviter un échec complet.

La formule serait toutefois très risquée. Des élus influents du Congrès américain menacent de nouvelles sanctions contre l'Iran si la négociation n'aboutit pas à Vienne. Et à Téhéran, l'aile dure du régime a mis en garde contre un accord qui ne défendrait pas «vigoureusement» les intérêts de l'Iran.

«Une prolongation n'a pas été et n'est pas évoquée à ce stade», a assuré lundi soir encore un responsable américain.