Les sanctions et la diplomatie peuvent convaincre l'Iran de cesser son programme nucléaire controversé, car ses dirigeants agissent rationnellement en suivant une «approche coût-bénéfice», a estimé mardi le patron du renseignement américain.

Malgré l'aggravation des tensions avec Téhéran et la guerre des nerfs à propos du détroit d'Ormuz depuis le début de l'année, une intervention militaire contre l'Iran n'est pas une fatalité, selon le directeur national du renseignement (DNI) James Clapper.

«Nous estimons que le processus de décision iranien en matière nucléaire est guidé par une approche coût-bénéfice, qui donne à la communauté internationale la possibilité d'influencer Téhéran», a-t-il expliqué lors d'une audition devant les sénateurs de la commission du renseignement.

L'objectif fondamental des dirigeants iraniens est la «survie du régime», a rappelé devant les sénateurs le directeur de la CIA, l'ancien général David Petraeus.

L'analyse des renseignements américains fait écho à la position exprimée par le président Barack Obama lors de son discours sur l'état de l'Union. Il avait alors dit croire qu'une «résolution pacifique» de la crise avec l'Iran était «encore possible».

Selon le DNI, les sanctions internationales «écrasent» l'économie du pays et l'opposition entre le guide suprême Ali Khamenei et le président Mahmoud Ahmadinejad est de plus en plus vive.

«Les difficultés économiques de l'Iran ne mettront probablement pas en péril le régime, à défaut d'une chute brutale et soutenue des prix du pétrole ou d'une soudaine crise interne qui interrompe ses exportations de brut», a-t-il nuancé.

«Notre espoir est que les sanctions, particulièrement celles qui viennent d'être instaurées, auront pour effet de provoquer un changement de la politique iranienne», a estimé M. Clapper devant les sénateurs.

Washington a durci ses sanctions fin 2011 et mène campagne pour convaincre les pays clients du pétrole iranien de cesser leurs achats. L'Union européenne a elle décidé d'imposer un embargo pétrolier graduel et de sanctionner la banque centrale iranienne afin d'assécher le financement de son programme nucléaire.

Chômage, inflation, dépréciation du rial iranien: «les sanctions ont été bien plus mordantes depuis ces dernières semaines qu'elles n'avaient été jusque-là», a pour sa part observé David Petraeus.

James Clapper n'a cependant pas caché que la situation actuelle était «très délicate», notamment parce qu'Israël voit la perspective que l'Iran devienne une puissance nucléaire comme une «menace existentielle».

La position du renseignement américain sur l'état du programme nucléaire de Téhéran n'a pas changé depuis le «National intelligence estimate» (NIE) de 2011 qui représente le consensus des 16 agences américaines de renseignement: les dirigeants iraniens sont divisés sur la question de se doter ou non de l'arme nucléaire et ils n'ont pas pris à ce stade de décision à ce sujet, même s'ils poursuivent le programme controversé.

Pour le secrétaire à la Défense Leon Panetta, les Iraniens mettraient «environ un an» à produire suffisamment d'uranium enrichi nécessaire à une bombe atomique s'ils décidaient d'acquérir l'arme nucléaire, ce qui constituerait une «ligne rouge» pour Washington.

Il leur faudrait ensuite «un ou deux ans pour l'installer sur un vecteur», tel qu'un missile, a-t-il confié dimanche sur la chaîne CBS.

Téhéran pourrait cependant être incité à recourir au terrorisme pour faire prévaloir ses vues, comme le laisse penser le complot présumé pour assassiner l'ambassadeur saoudien à Washington mis au jour en octobre.

Ce complot «montre que des responsables iraniens, dont probablement le guide suprême Ali Khamenei, ont changé de position et sont davantage prêts à commettre un attentat aux États-Unis en réaction à des actions américaines réelles et supposées qui menacent le régime», analyse James Clapper.