Depuis la chute de l'ex-président Hosni Moubarak, l'écrivain Alaa El Aswany a eu plusieurs occasions de constater à quel point son pays avait changé.

L'auteur de L'immeuble Yacoubian avait l'habitude de tenir ses conférences hebdomadaires dans de petits cafés discrets, à l'abri de la sécurité égyptienne. Le 18 mars, pour la première fois, il a pris la parole à l'Opéra du Caire, où il a été accueilli par le ministre de la Culture en personne, Emad Abou-Ghazi - un compagnon de lutte de la place Tahrir.

Dès les premiers jours après le départ du dictateur, «l'environnement culturel égyptien a changé», dit l'écrivain, qui m'a reçue cette semaine dans son cabinet de dentiste.

Dans la préface de son recueil de nouvelles J'aurais voulu être égyptien, l'auteur raconte comment la censure l'avait harcelé pour qu'il change les idées d'un de ses protagonistes, que les bureaucrates égyptiens avaient jugé trop critique envers son pays. «Une telle chose ne pourrait plus se produire aujourd'hui», se réjouit-il.

N'empêche: jusqu'à tout récemment, il avait le sentiment que les progrès accomplis depuis le soulèvement restaient menacés.

«Aujourd'hui, pour la première fois depuis le 11 février, je suis sûr que la révolution a gagné. Ce n'est plus possible de retourner en arrière.»

Le jour de notre rencontre, Hosni Moubarak et ses deux fils ont été placés officiellement en état de détention provisoire. Alaa et Gamal Moubarak ont été conduits à la prison Tora, au Caire, qui a autrefois accueilli de nombreux dissidents. Hosni Moubarak a été hospitalisé après un malaise. Il doit être transféré dans un hôpital militaire, puis rejoindre ses fils en prison.

Tous trois font l'objet d'une enquête pour corruption et pour leur rôle dans la répression du soulèvement, au cours duquel 800 civils ont été tués. Cette triple arrestation marque un tournant dans l'histoire de la révolution égyptienne, croit l'écrivain. «J'ai l'impression que nous avons poussé sur une barrière. Nous avons poussé, poussé et poussé, puis la barrière a cédé.»

Alaa El Aswany est convaincu que le procès des trois Moubarak aura des répercussions non seulement en Égypte, mais aussi dans tout le monde arabe, où une vingtaine d'autres dictateurs sont toujours en poste.

Persuadé que le Conseil militaire suprême relâchera bientôt tous les opposants détenus depuis le 11 février, Alaa El Aswany s'est joint aux leaders du soulèvement qui ont appelé les Égyptiens à mettre de côté leur traditionnelle manif du vendredi, cette semaine.

«C'est une façon d'envoyer un message au Conseil militaire pour dire que nous acceptons ce qui se passe.»

Le chemin parcouru depuis le 25 janvier, jour du premier rassemblement anti-régime, lui paraît incroyable. Il rêve maintenant que l'Égypte, ce pays de 80 millions qui a été pillé par ses dirigeants et maintenu dans un état de paralysie, retrouve le rayonnement qui a traditionnellement été le sien.

Bien sûr, il y a encore des «détails» qui accrochent, dit-il. Mais il est temps, selon lui, de faire confiance à l'armée. Et si les réformes devaient ralentir? «Nous redescendrons dans la rue.»

De passage à Montréal à la fin du mois, Alaa El Aswany donnera une conférence sur le pouvoir des mots le samedi 30 avril et recevra le Prix littéraire arabe Al Majidi Ibn Dhaher Metropolis bleu 2011.