Le chef de l'opposition cambodgienne Sam Rainsy, tout juste rentré d'exil, s'est vu refuser lundi par la commission électorale de se présenter aux législatives du 28 juillet face à son pire ennemi politique, le tout puissant premier ministre Hun Sen.

Le leader du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), gracié par le roi de trois condamnations pénales, avait été accueilli vendredi par des dizaines de milliers de partisans en liesse.

Et toute l'opposition était suspendue à la possibilité, totalement inimaginable il y a quelques semaines, que son chef de file puisse affronter à la dernière minute celui qui est au pouvoir sans interruption depuis 1985.

Mais la Commission électorale nationale en a décidé autrement. Sam Rainsy «n'a pas rempli les conditions requises dans le processus d'enregistrement des candidats», a indiqué dans un courrier son président, Im Sousdey, évoquant au premier chef le non-respect du délai imparti aux candidats pour s'inscrire.

Rainsy, principal opposant à l'homme fort du Cambodge, avait été retiré fin 2012 des listes électorales et avait demandé dimanche à la NEC de trouver une solution pour le réinscrire en urgence.

Il souhaitait se présenter dans la province de Kandal (sud), où Hun Sen est candidat. Dans un entretien avec Radio Free Asia, il a même promis des manifestations s'il ne pouvait être candidat.

Menace de manifestation

«Si je ne peux pas participer, après les élections, tous les Cambodgiens manifesteront et la communauté internationale entière condamnera les résultats et jugera cela comme un simulacre d'élections», avait-il déclaré.

L'ancien banquier, 64 ans, vivait en France depuis 2009 pour échapper à des condamnations à un total de onze années de prison que ses partisans jugeaient politiques. Il avait été gracié par le roi le 12 juillet à la demande de Hun Sen.

Lors de son retour à Phnom Penh, il avait mis cinq heures pour effectuer à travers la foule les quelques kilomètres séparant l'aéroport d'un parc de la capitale où il s'était adressé à ses partisans, promettant d'écrire «une nouvelle page pour le Cambodge».

Lundi, le porte-parole du CNRP Yim Sovann a accusé la commission d'être «utilisée» par le clan Hun Sen pour écarter son chef de file.

«Les élections ne seront pas justes, car ils n'autorisent pas le chef du plus grand parti d'opposition à affronter» le parti au pouvoir, a-t-il estimé. «Cela signifie qu'ils craignent la popularité de Sam Rainsy».

À l'étranger, ce dernier avait reçu ces derniers mois le soutien notamment de Washington, qui avait salué sa grâce et demandé à Phnom Penh de «lui permettre de jouer sans entraves un rôle significatif dans les élections».

Le rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l'Homme au Cambodge, Surya Subedi, avait pour sa part appelé à ce que l'opposant joue «un rôle à part entière» en politique.

Sauf changement de cap de dernière minute, ce ne sera pas le cas.

Son exclusion permet «de bloquer (sa) candidature au poste de premier ministre», a relevé Ou Virak, président du Centre cambodgien des droits de l'Hommme (CCDH), estimant que cette décision, au-delà de la commission électorale, incombait à Hun Sen lui-même.

«Si Sam Rainsy gagne les élections, cela pèsera beaucoup sur le processus de formation d'un gouvernement», a-t-il ajouté.

Hun Sen, qui a récemment indiqué qu'il ne quitterait pas son poste avant encore plus de dix ans, est régulièrement accusé de réprimer les droits de la population et de réduire les opposants au silence.

Les analystes convergent pourtant vers une nouvelle victoire de son camp dimanche prochain. Les 9,6 millions d'électeurs inscrits auront le choix entre huit partis, sous le regard attentif de 7700 observateurs, nationaux comme internationaux.

Lors du précédent scrutin en 2008, le Parti du peuple cambodgien (PPC) de Hun Sen avait remporté 90 des 123 sièges de l'assemblée nationale, contre 26 pour le Parti Sam Rainsy (PSR) et trois pour le Parti des droits de l'Homme (PDH), qui ont décidé de s'unir au sein du CNRP pour ces élections.