Les violences entre bouddhistes et musulmans qui ont fait plus de 30 morts à Meiktila se sont étendues à d'autres localités du centre de la Birmanie, alors que les craintes augmentent que la haine entre les communautés ne provoque des conséquences encore plus dramatiques.

Des dizaines de personnes ont été arrêtées pour leur participation supposée aux violences de Meiktila, mais aussi dans trois autres lieux de cette région toute proche de la capitale Naypyidaw, a annoncé dimanche le ministère de l'Information.

Des incidents se sont notamment produits dans un village de la commune de Yamethin, où 17 personnes sont détenues.

«Au total 43 maisons et une mosquée ont été incendiées hier soir» samedi sans faire de victime, a précisé à l'AFP un responsable de ce village d'Ywardan, assurant que la plupart des maisons appartenaient à des musulmans.

«J'ai dû courir pour sauver ma vie en tenant mon enfant par la main», a ajouté une habitante, sous couvert de l'anonymat.

À Meiktila, où l'armée a repris samedi le contrôle de la ville placée la veille au soir sous état d'urgence, 52 personnes interpellées pour port de couteaux ou de bâtons ont été relâchées sous caution, mais 13 personnes étaient toujours détenues, selon le ministère.

«La situation est calme aujourd'hui», a indiqué un résident dimanche à l'AFP.

«Certains magasins ont rouvert, mais pas tous. Le marché principal est toujours fermé. Les gens ont toujours peur», a-t-il ajouté.

Une simple querelle mercredi entre un vendeur musulman et des clients a dégénéré, conduisant à la destruction par le feu de quartiers entiers et de mosquées, tandis que des corps calcinés restaient dans les rues.

Ces trois jours de violences lors desquelles des groupes d'émeutiers, dont des moines bouddhistes, ont transformé la ville en coupe-gorge, ont fait selon le dernier bilan officiel 32 morts et près de 9000 déplacés, auxquels le représentant spécial des Nations Unies pour la Birmanie Vijay Nambiar est allé apporter son soutien dimanche.

Ces violences «sont une véritable tragédie (...) en terme de pertes de vies et de destructions», a-t-il déclaré, notant que la plupart des déplacés étaient musulmans.

«Nous sommes prêts à aider autant que nous le pouvons en terme d'assistance humanitaire», a-t-il ajouté, après avoir notamment rendu visite aux centaines de déplacés rassemblés sur un terrain de sport.

Alors qu'en 2012, des affrontements entre bouddhistes de la minorité ethnique rakhine et musulmans de la minorité apatride des Rohingyas avaient déjà fait plus de 180 morts et 110 000 déplacés dans l'ouest du pays, ces nouvelles violences témoignent d'une tension croissante entre les deux communautés.

Dans un pays où la majorité bamar considère le bouddhisme comme partie intégrante de l'identité nationale, les analystes ont évoqué une véritable fracture religieuse qui pose un défi majeur au régime réformateur au pouvoir depuis la dissolution de la junte il y a deux ans.

Mais l'envoyé de l'ONU a rejeté l'idée d'une véritable hostilité entre les deux communautés.

«Ce que j'ai remarqué dans mes rencontres, c'est une grande tristesse et une tragédie, mais très peu de haine, pas de haine», a assuré M. Nambiar, évoquant sans explication l'oeuvre de personnes «extérieures».

Il a également salué comme un «symbole très important», la visite dimanche à Meiktila de leaders religieux aux côtés de membres du gouvernement.

Plusieurs responsables bouddhiste, musulman, hindou et chrétien ont de leur côté appelé à la réconciliation dans la presse officielle, première déclaration de ce type depuis mercredi.

Les fidèles des différentes religions doivent «maintenir l'harmonie de la communauté avec amour et gentillesse, et rester à l'écart des conflits non nécessaires», ont-ils écrit dimanche, appelant le gouvernement à «assurer la sécurité des deux communautés».