Quatre jours après l'avalanche qui a fait 9 morts et 13 disparus au mont Manaslu, au Népal, deux Québécois se lancent aujourd'hui dans la délicate ascension vers le camp numéro trois, lieu de la tragédie. Ils étaient moins de 1200 mètres plus bas dans la montagne, dimanche, lorsque la neige a tout emporté sur son passage. Ils ont entendu le bruit; ils ont eu peur. Mais l'attrait du sommet est plus fort que tout.

«On ne peut pas abandonner. On veut aller le plus loin possible dans cette aventure.» Au bout du fil, Philippe Blanchette Nagy, pompier pour la Ville de Montréal, cherche son souffle à cause de l'altitude. Du camp de base du Manaslu, à 4800 mètres d'altitude, où il est descendu se réfugier après le drame, il se prépare à repartir à l'assaut de la montagne, malgré l'avalanche et tous ceux qu'elle a entraînés avec elle.

Réveil brutal

Le matin du 23 septembre, ses partenaires - Martin Boiteau, travailleur humanitaire montréalais, et Dave Smith, originaire de la Colombie-Britannique - et lui ont été réveillés en sursaut dans leurs tentes, perchées à 5700 mètres d'altitude sur les flancs de l'Himalaya. Un grondement sourd a fait vibrer la montagne. D'instinct, ils ont su que c'était une avalanche. Inquiets et curieux, ils sont sortis dans la nuit. À cause de la noirceur, ils n'ont rien vu. Mais rapidement, la nouvelle de la catastrophe s'est rendue jusqu'à eux. «Dès l'aube, on a su que les camps deux et trois avaient été rasés», raconte la voix lointaine de Philippe Blanchette Nagy, joint hier soir sur son téléphone satellite. «Des guides nous ont interdit de monter plus haut, dit-il. Le mieux qu'on pouvait faire était d'aider ceux qui descendaient. On a préparé de l'eau. C'était le branle-bas. Il y en a qui n'avaient même plus de bottes. Tout avait été emporté.»

Puis, ils ont redescendu vers le camp de base, où des dizaines d'alpinistes de plusieurs expéditions se sont recueillis quelques jours. Malgré la peur, ils sont prêts à repartir.

«C'est sûr que ça nous a fait réfléchir, mais dans une grosse montagne comme ça, on s'attend toujours à faire face à la mort, de près ou de loin, dit le pompier. Et on est avec des gens très expérimentés.» À Montréal, sa conjointe, Annie Archambault, souhaite aussi qu'il poursuive l'ascension. «Ça fait trop longtemps qu'il se prépare, dit-elle. Et l'avalanche est passée, maintenant.» Son amoureux et elle se parlent aux deux jours par téléphone satellite. «On ne peut pas parler plus de trois ou quatre minutes, mais au moins, j'ai des nouvelles. Ça me rassure.»

Il y a près d'un mois maintenant que le trio marche vers les hauteurs du huitième sommet au monde, à 8163 mètres, afin d'amasser des fonds pour la Fondation des grands brulés et la Maison des greffés du Québec (Dave Smith a reçu une greffe du rein). Ils ont mis 10 jours à pied, dans une épaisse forêt, pour atteindre le camp de base, à 4800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ils y ont passé quelques jours pour s'acclimater au manque d'oxygène. Puis, ils ont gravi les 900 mètres qui les séparaient du camp numéro un. C'est là qu'ils étaient, assoupis dans leurs tentes au milieu d'un paysage de neige et de roche, au moment de l'avalanche.

De là, ils devaient monter plus haut, mais leur départ pour le camp numéro trois a été retardé. Aujourd'hui, ils se lancent, pendant que les recherches se poursuivent pour retrouver le corps du cardiologue québécois Dominique Ouimet. Dans quelques jours, ils dormiront à l'endroit même où il a été englouti par la neige. Et ensuite, le sommet.