Le Premier ministre du Kirghizstan Almazbek Atambaïev a été élu au premier tour de la présidentielle, un résultat rejeté lundi par ses deux principaux opposants, dans ce pays propice aux soulèvements, tandis que l'OSCE a relevé des «irrégularités significatives» lors du scrutin.

Après le comptage de la quasi-totalité des suffrages, M. Atambaïev devance, avec 63,13%, deux nationalistes, Adakhan Madoumarov (14,76%) et Kamtchybek Tachiev (14,33%).

Ces derniers ont toutefois appelé à l'annulation de l'élection, mettant en garde contre des «troubles», sans pour autant appeler à des manifestations.

M. Atambaïev, un homme de 55 ans à la réputation de négociateur pragmatique, a salué ses adversaires lundi et jugé que le Kirghizstan, miné par de multiples divisions, notamment géographique et ethniques, s'était uni derrière lui.

«Je suis sûr désormais que le pays ne peux plus être divisé sur la foi de la géographie ou de l'ethnie. C'est l'essentiel. Parmi mes concurrents, il y a de bons politiques, il s'agit de Madoumarov et Tachiev (...), ni l'un ni l'autre ne va chercher à envenimer la situation», a-t-il dit.

Mais les intéressés se sont montrés combatifs, réclamant l'annulation du scrutin et avertissant que des troubles étaient possibles dans ce pays qui a déjà vécu deux révolutions meurtrières (mars 2005, avril 2010) et des violences ethniques sanglantes (juin 2010).

«Ma revendication est la suivante: reconnaître que ces élections ne sont pas valables», a déclaré M. Madoumarov. «Si ces résultats électoraux ne sont pas annulés, des troubles sont inévitables», a de son côté estimé M. Tachiev.

Les deux hommes n'ont cependant pas directement appelé leurs partisans à descendre dans la rue. «Je ne vais pas appeler le peuple à manifester, les gens vont se soulever d'eux-mêmes», a notamment déclaré M. Tachiev.

Quelques centaines de manifestants nationalistes se sont rassemblés lundi après-midi dans leur bastion, le Sud du Kirghizstan, mais le ministère de l'Intérieur a assuré que la situation était «sous contrôle». Le chef des services de sécurité, Kenechbek Douchebaïev, a dit qu'il n'y avait «aucune raison d'être pris de panique».

La mission d'observation électorale de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a émis un verdict assez sévère sur cette présidentielle, critiquant le comptage des suffrages mais se disant «prudemment optimiste pour l'avenir de la démocratie».

«La campagne a été ouverte et a respecté les libertés fondamentales. Mais cela a été éclipsé par des irrégularités significatives le jour de l'élection, en particulier lors du comptage des voix», a estimé l'OSCE.

«Nous sommes prudemment optimistes pour l'avenir de la démocratie au Kirghizstan. Un travail significatif est encore nécessaire à tous les niveaux dans ce pays pour qu'il réponde à son engagement d'organiser des élections démocratiques», a déclaré le chef de la mission, Walburga Habsburg Douglas.

A Washington, le président Barack Obama a salué lundi la tenue de l'élection présidentielle, dans un communiqué qui ne mentionne pas les réserves émises par l'OSCE.

«Je félicite les habitants et le gouvernement du Kirghizstan pour l'élection présidentielle démocratique et pacifique d'hier», a déclaré M. Obama.

«En déposant leurs bulletins dans l'urne, les Kirghiz ont franchi une étape importante et courageuse sur la voie de la démocratie, et démontré leur engagement à une transition du pouvoir transparente et en bon ordre», a estimé le président des Etats-Unis.

De même, le secrétaire général de l'Otan, Ban Ki-moon, «félicite le peuple du Kirghizstan pour la tenue pacifique de l'élection présidentielle», selon un communiqué de son porte-parole. «Il encourage toutes les forces politiques à travailler ensemble pour garantir le développement post-électoral stable du pays».

Les ombres sur la légitimité de M. Atambaïev viennent compliquer sa tâche en vue de pacifier ce petit pays montagneux et pauvre.

Réputé comme étant un homme de consensus, rompu aux négociations dans ce pays de cinq millions d'habitants traversé par de multiples divisions ethniques, géographiques et sociales, il a fait campagne en se posant en garant de l'unité du pays.

Preuve de ses qualités de négociateur politique, M. Atambaïev dirige depuis un an environ un gouvernement de coalition, bien que son parti social-démocrate ne soit arrivé que deuxième aux législatives, derrière le parti nationaliste Ata-Jourt de M. Tachiev.

Les retombées de la présidentielle constituent un test sérieux pour la stabilité de ce pays qui n'a jamais connu de transfert pacifique du pouvoir depuis son indépendance de l'URSS en 1991.

Sa stabilité est aussi capitale pour les Etats-Unis qui y disposent d'une base aérienne essentielle au déploiement de leurs troupes en Afghanistan. La Russie y dispose aussi d'infrastructures militaires.