La Chine a annoncé jeudi l'ouverture d'une enquête pour «crimes économiques» à l'encontre de l'artiste contestataire Ai Weiwei et rejeté toute interférence étrangère sur son cas, à la suite aux protestations de plusieurs pays occidentaux qui ont demandé sa libération.

«Ai Weiwei est soupçonné de crimes économiques», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hong Lei. Il a ajouté «les autres pays n'ont pas le droit d'interférer» dans cette affaire qui, a-t-il assuré, «n'a rien à voir avec les droits de l'Homme ou la liberté d'expression».

Né en 1957, Ai Weiwei s'est souvent heurté au pouvoir en le critiquant vertement, qualifiant par exemple les dirigeants chinois de «gangsters», ou en défendant des causes humanitaires ces dernières années.

Ai a été arrêté dimanche à l'aéroport de Pékin et emmené vers un lieu de détention tenu secret. Jeudi, sa famille était toujours sans nouvelles de lui.

La mère de l'artiste, Gao Ying, a déclaré à l'AFP ne pas «croire à ces accusations de crimes économiques» qu'elle a qualifiée «d'inacceptables».

«Je ne pense pas que ce soit la raison pour laquelle ils l'ont emmené. Ai Weiwei n'est pas un criminel, c'est un artiste en quête de justice», a poursuivi la veuve du poète Ai Qing, lui-même tour à tour honoré par les communistes, puis banni et enfin réhabilité.

Ai Weiwei a contribué à la réalisation du «nid d'oiseau», le stade des jeux Olympiques de Pékin. Il a aussi réalisé une vaste enquête sur les effondrements de bâtiments scolaires au cours du séisme du Sichuan (sud-ouest) en 2008, imputables à la corruption des cadres locaux.

En janvier, son atelier dans la banlieue de Shanghai a été démoli. L'artiste avait été brièvement placé en résidence surveillée trois mois auparavant pour avoir voulu «célébrer» avec ses fans l'annonce de cette destruction.

Indignation à l'étranger

L'arrestation de Ai, qui expose actuellement à la Tate Modern de Londres et paraissait relativement protégé par sa notoriété, a soulevé une vague d'indignation à l'étranger.

Les États-Unis se sont dits «très préoccupés par la pratique des disparitions forcées» et ont demandé la libération de l'artiste, de même que la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne.

L'ambassadeur de l'Union européenne à Pékin s'est dit inquiet de «l'usage croissant de la détention arbitraire» en Chine.

À l'intention de ceux qui espèrent que ces pressions seront utiles, le quotidien officiel Global Times a publié jeudi un éditorial intitulé «Les critiques occidentales ne changeront pas la Chine».

«D'un point de vue historique, la société chinoise a besoin de personnes comme Ai. Toutefois, il est plus important de réprimer les comportements provocants de gens comme lui, parce que le but des critiques occidentales des droits de l'Homme est de déstabiliser la Chine politiquement», selon ce journal.

Le Global Times avait jugé mercredi que l'artiste, connu pour ses oeuvres monumentales, s'apprêtait à «franchir la ligne rouge». Pour le pouvoir, elle était apparemment déjà franchie.

L'arrestation de Ai Weiwei intervient dans le sillage de nombreuses autres interpellations ou disparitions de militants des droits de l'Homme depuis février.

Celles-ci se sont multipliées depuis des appels lancés sur des sites internet basés à l'étranger à des «rassemblements du jasmin» dans les principales villes chinoises, inspirés des soulèvements populaires qui ont fait tomber les régimes en Tunisie et en Égypte.

Avant même les révoltes au Proche-Orient, la surveillance et les mesures d'intimidation contre les opposants avaient commencé à se renforcer à l'automne dernier après l'attribution du prix Nobel de la paix au dissident réformateur Liu Xiaobo, qui purge une peine de 11 ans de prison pour avoir demandé l'avènement d'une démocratie pluraliste en Chine.