(New Delhi) Le premier ministre indien, Narendra Modi, va devoir infléchir son programme nationaliste hindou pour ménager ses partenaires de coalition, mais devrait poursuivre le cours de sa politique étrangère et économique au cours de son troisième mandat, estiment les analystes.

Narendra Modi a été contraint de trouver des alliés pour former un gouvernement après un revers aux élections qui a fait perdre à son parti sa majorité absolue au Parlement, pour la première fois depuis dix ans.

PHOTO MANISH SWARUP, ASSOCIATED PRESS

Le premier ministre indien Narendra Modi

Le premier ministre a présenté lundi un nouveau gouvernement maintenant à leurs postes ses ministres de la Défense, des Finances, des Affaires étrangères et de l’Intérieur. Son cabinet est toujours dominé par son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP).  

« Modi opte pour la continuité », titrait lundi le quotidien Hindustan Times. « Le BJP et Modi restent solidement sur le siège du conducteur », renchérissait le Times of India dans son éditorial.  

Ce nouveau mandat nécessitera néanmoins « plus de dextérité dans les négociations au sein du Parlement pour les mesures politiques qui requièrent des modifications des lois », souligne Ashok Malik, du cabinet de conseil en affaires The Asia Group.

« À l’arrière-plan »

Avant le scrutin, les minorités, et notamment une grande partie de la communauté musulmane de plus de 200 millions d’habitants, étaient inquiètes pour leur avenir.  

Au cours de ses dix années au pouvoir, Narendra Modi a cultivé une image de champion de l’hindouisme, religion majoritaire en Inde.  

Son gouvernement a révoqué l’autonomie constitutionnelle de la région musulmane du Cachemire, et encouragé la construction d’un vaste temple hindou sur le site d’une mosquée ancienne détruite par des fanatiques hindous en 1992 à Ayodhya.

Ses détracteurs craignaient qu’une troisième victoire écrasante du BJP intensifie les politiques prohindouistes, en dépit de la constitution laïque de l’Inde.  

Mais dans le cadre d’une coalition, Narendra Modi sera obligé de composer, notent des analystes.  

« Dans un gouvernement avec des partenaires, les programmes culturels clés du BJP seront tous relégués à l’arrière-plan », affirme à l’AFP Nistula Hebbar, journaliste politique du journal The Hindu.  

Narendra Modi devrait se concentrer sur ses projets d’infrastructures, les affaires étrangères et les réformes économiques qui « ne seront pas un gros problème » pour l’alliance, estime-t-elle.  

« Un Modi plus conciliant »

Il devrait en aller autrement notamment pour le Code civil commun promis par M. Modi afin d’uniformiser les lois pour toutes les communautés religieuses, une réforme vue comme une attaque par certains musulmans.

Les 1,4 milliard d’habitants de l’Inde sont soumis à un droit pénal commun, mais les règles civiles régissant notamment mariage, divorce et héritage varient selon les communautés.

Pour cette réforme, il faudrait que les partis « forgent un consensus national », selon M. Malik, ce qui n’est pas assuré à l’heure actuelle.  

Alors que M. Modi a été accusé d’avoir attisé le clivage entre musulmans et hindouistes pour gagner les faveurs de l’électorat hindou, « la rhétorique hindouiste-musulmane pourrait également passer au second plan, du moins pour le moment », après les élections spécule Neerja Choudhury, du quotidien The Indian Express.  

Les dirigeants du BJP ont également fait campagne sur la suppression des quotas de discrimination positive pour les musulmans dans les emplois publics et l’enseignement.  

Mme Hebbar indique qu’elle s’attend à « un Modi différent, un Modi plus conciliant ».

« Les gens veulent des emplois »

Le premier ministre devrait encourager le versement des aides sociales pour les agriculteurs et les plus pauvres, afin de renforcer sa popularité dans les régions rurales après son revers électoral, selon les analystes.

Geste symbolique pour entamer son mandat, M. Modi a approuvé lundi la dernière tranche d’une aide financière massive pour 93 millions d’agriculteurs, et la construction de 30 millions de logements pour les familles pauvres.  

Si son gouvernement a œuvré au développement économique de l’Inde, devenue cinquième économie du monde, le pays le plus peuplé de la planète est confronté à un fort chômage, qui a pu peser sur l’élection.

« Les gens veulent des emplois », souligne M. Malik. « Et pour satisfaire ce besoin très légitime, il faut bâtir une économie et réformer encore plus vite ».

M. Modi devrait privilégier les infrastructures, la réforme des politiques industrielles et des mesures d’incitation à la production nationale dans le but de créer une « dynamique économique au cours des cinq prochaines années », ajoute-t-il.