(Nouméa) Le président français Emmanuel Macron est en route mercredi pour la Nouvelle-Calédonie, plus d’une semaine après le début de violences inédites en 40 ans dans l’archipel français du Pacifique Sud, où la situation est « plus calme » selon les autorités.  

Cette visite surprise a été annoncée mardi en Conseil des ministres, au moment où se multiplient les demandes de report de la réforme du corps électoral qui a provoqué plus d’une semaine d’émeutes dans le territoire colonisé par la France au XIXsiècle.

Emmanuel Macron a décollé mardi en début de soirée selon l’Élysée et doit arriver jeudi matin (heure locale) dans le territoire pour y installer une « mission », a précisé la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, sans en détailler la composition ni les objectifs.

Dans l’agglomération de la capitale, Nouméa, la nuit de mardi à mercredi « a été plus calme que la précédente malgré deux incendies », a indiqué dans un communiqué le Haut-Commissariat de la République.

Le représentant de l’État dans l’archipel, Louis Le Franc, avait annoncé l’envoi d’effectifs supplémentaires pour juguler les violences qui secouent l’archipel, en réaction à une réforme constitutionnelle décriée par les indépendantistes.

Ses services ont annoncé sur X l’interpellation de 22 personnes mardi et l’installation de renforts permanents dans trois quartiers de l’agglomération de Nouméa.

Dans un quartier aisé de Nouméa épargné par les émeutes, Jean, 57 ans, se relaie depuis une semaine avec ses voisins sur une barricade destinée à empêcher d’éventuelles intrusions.  

La venue du président est « une bonne nouvelle », estime-t-il : « La situation est totalement bloquée, il faut espérer que ça permette aux esprits de se calmer, qu’une porte de sortie va être trouvée ».

La Nouvelle-Calédonie a subi mardi une « cyberattaque d’une force inédite » qui a depuis été « stoppée », a annoncé mercredi le gouvernement calédonien, des faits qui se sont produits « peu après » l’annonce par le président Emmanuel Macron de sa venue sur l’archipel français.

« Nous avons subi la nuit dernière une cyberattaque d’une force inédite en Nouvelle-Calédonie puisqu’un fournisseur d’accès [à internet] a subi une attaque de l’extérieur sur une adresse IP avec le but de saturer le réseau calédonien », a expliqué lors d’une conférence de presse Christopher Gygès, membre (Les Loyalistes) du gouvernement collégial local.

Depuis, a-t-il indiqué, les « équipes de l’État et de l’OPT (office des postes et télécommunications) ont réussi à stopper cette attaque avant qu’il y ait des dégâts importants ».

« Drapeaux blancs »

Neuf jours après le début des plus graves violences touchant l’archipel depuis près de 40 ans, la situation reste précaire et des quartiers entiers restent quasi inaccessibles et en proie aux émeutiers.

Mercredi matin, des incendies étaient visibles en plusieurs secteurs de l’agglomération de 170 000 habitants, dont la zone industrielle de Ducos, a constaté une journaliste de l’AFP.

Il est « beaucoup trop tôt » pour faire un bilan global des dégâts, car il y a encore des quartiers où les agents ne vont pas, a indiqué l’administration de la ville de Nouméa. Selon elle, deux écoles et 300 véhicules d’un concessionnaire sont notamment partis en fumée dans la nuit.

Depuis le début des violences, six personnes ont été tuées parmi lesquelles deux gendarmes mobiles, dont les dépouilles ont été ramenées lundi dans l’Hexagone.

Depuis le début des émeutes le 13 mai, 84 représentants des forces de l’ordre ont été blessés, a indiqué mardi le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Les forces de l’ordre ont procédé à 276 interpellations, dont 248 ont conduit à des gardes à vue, a-t-il précisé un peu plus tard.

Alors que le spectre d’une pénurie de nourriture et de médicaments plane sur l’agglomération de Nouméa, M. Le Franc a assuré que 21 grandes surfaces avaient rouvert « et sont progressivement réapprovisionnées ».

Les mesures exceptionnelles de l’état d’urgence sont toujours en vigueur, à savoir le couvre-feu nocturne, l’interdiction des rassemblements, du transport d’armes et de la vente d’alcool et l’interdiction de l’application TikTok.

Saisi par des défenseurs des libertés, le Conseil d’État (plus haute autorité administrative française) a accordé mardi 24 heures supplémentaires au gouvernement pour motiver le blocage du réseau social et apporter des preuves du rôle que lui attribuent les autorités dans les émeutes.

Signe de la difficulté à reprendre en main la situation sécuritaire, l’aéroport international de l’archipel français a annoncé qu’il resterait fermé aux vols commerciaux jusqu’à samedi matin.  

Une centaine de touristes ont été évacués, a indiqué le Haut-Commissaire mercredi. L’Australie et la Nouvelle-Zélande notamment ont affrété des vols pour rapatrier leurs centaines de ressortissants bloqués dans l’archipel français.

« On ne lâche pas »

Environ 400 entreprises et commerces ont subi des dégradations dans Nouméa et les villes limitrophes depuis le début des émeutes.

Sur les barrages, la mobilisation ne semble pas faiblir malgré le déploiement massif de forces de sécurité.  

De leur côté, les principales figures non indépendantistes de l’archipel, réunies en conférence de presse à Nouméa mardi, ont appelé à poursuivre l’examen de la réforme constitutionnelle contestée, qui doit être adoptée avant fin juin.

Son retrait serait « une erreur gravissime » qui donnerait « raison aux casseurs, aux pilleurs et aux émeutiers », a asséné le député de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf.

Les appels se sont pourtant multipliés, de tous bords politiques et jusqu’à la maire loyaliste de Nouméa, pour réclamer un report de cette réforme, qui aurait pour conséquence de marginaliser les voix de la communauté autochtone kanak, selon les indépendantistes.

Le territoire du Pacifique sud est stratégique pour la France qui veut renforcer son influence en Asie-Pacifique et de par ses riches ressources en nickel, minerai indispensable à la fabrication des véhicules électriques.