En Chine, les officiels de haut rang disparaissent les uns après les autres, comme dans un livre d’Agatha Christie…

Nom : Li Shangfu

Âge : 65 ans

Fonction : ministre chinois de la Défense

Signes distinctifs : L’homme invisible

Pourquoi on en parle 

Le ministre de la Défense n’a pas été vu en public depuis le 29 août, ce qui a alimenté toutes sortes de rumeurs dans les médias internationaux. Il ferait l’objet d’une enquête et aurait été relevé de ses fonctions, croient savoir des responsables américains, selon des informations publiées la semaine dernière dans le Financial Times.

Un parmi d’autres

Cette « disparition » dans les hautes sphères du pouvoir chinois n’est pas un cas isolé. En juillet, le ministre des Affaires étrangères, Qin Gang, a également été limogé après avoir temporairement disparu des écrans radars, soi-disant en raison d’« ennuis de santé ». On annonçait au même moment le limogeage de deux officiers de l’unité militaire chargée des missiles. « La composition du cabinet du président Xi [Jinping] ressemble désormais au roman d’Agatha Christie Ils étaient dix », s’amusait début septembre l’ambassadeur des États-Unis à Tokyo, Rahm Emanuel, sur le réseau social X, en faisant référence à l’élimination successive des protagonistes.

Ce que dit la Chine

La Chine n’a toujours pas confirmé si l’un de ces hommes faisait l’objet d’une enquête, et refuse de répondre à toute question à ce sujet. « Je ne suis pas au courant de la situation que vous mentionnez », a ainsi affirmé Mao Ning, une porte-parole de la diplomatie chinoise, interrogée mardi sur un article du Wall Street Journal expliquant le renvoi de Qin Gang.

Des spéculations

L’absence d’explications officielles ouvre la porte à toutes sortes de conjectures sur les raisons de ces évictions. Trahisons ? Divergences politiques ? Factions rivales ? Selon le Wall Street Journal, Qin Gang aurait été évincé pour une affaire de mœurs. La disparition de Li Shangfu serait quant à elle liée à des irrégularités au sein de l’armée de libération du peuple (ALP), extension militaire du Parti communiste chinois (PCC), où la corruption serait un problème récurrent, en particulier dans les domaines de la promotion et de l’attribution de contrats.

Purge ou lutte contre la corruption ?

La lutte contre la corruption est une priorité pour le régime chinois depuis l’accession au pouvoir de Xi Jinping en 2012. « On parle d’un million d’enquêtes », résume Serge Granger, professeur à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Certains saluent cet effort pour assainir la politique chinoise. D’autres y voient plutôt une façon d’écarter des rivaux politiques.

Guerre interne

Li Shangfu et Qin Gang étaient deux protégés de Xi Jinping. C’est le président lui-même qui les avait nommés à ces postes. Selon Serge Granger, leur départ pourrait être le fruit d’une fronde à l’intérieur du PCC, en vue des prochaines élections dans quatre ans.

« On peut présumer qu’il y a probablement une guerre d’influence à l’intérieur du parti. D’après moi, ça joue du coude, résume M. Granger. Est-ce un signe avant-coureur qu’on est en train de préparer le départ de Xi Jinping ? Si on voit que ses nominations sont limogées, c’est peut-être que son ascendant sur le parti est en train de s’étioler. Je crois que le troisième mandat de Xi Jinping a été difficile à accepter pour une partie des membres du PCC. Notamment la clique de la ligue de la jeunesse qui réclame un système rotatif. C’est comme un avertissement parce qu’il essaie de contrôler le parti et qu’il nomme ses sbires un peu partout. Il a pris beaucoup de place. Il en mène large. Mais on a beaucoup de reproches à lui faire. Là, c’est peut-être une façon de lui faire comprendre qu’il y a des limites à être omnipotent, sans l’attaquer frontalement. »

Avec Vox, l’Agence France-Presse, The Guardian, France 24, Reuters, Financial Times, New Statesman, Le Point