(Riyad) Le président chinois a proposé l’année dernière au prince héritier saoudien de servir de « pont » entre l’Arabie saoudite et l’Iran, facilitant les discussions ayant abouti au rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays, selon un responsable saoudien.

Xi Jinping a approché le prince Mohammed ben Salmane à propos de l’Iran lors de sa visite dans le royaume en décembre, a affirmé mercredi ce responsable sous couvert d’anonymat.  

Le dirigeant chinois a « exprimé son souhait de voir la Chine servir de pont entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Son Altesse Royale, le prince héritier, s’en est félicité », a-t-il dit.  

L’accord entre les deux puissances rivales, annoncé le 10 mars à Pékin, prévoit la réouverture mutuelle des ambassades d’ici deux mois, après sept ans de rupture, ainsi qu’un engagement de chacun à respecter la souveraineté de l’autre et à ne pas s’immiscer dans ses « affaires intérieures ».  

« Pour l’Iran en particulier, la Chine est le premier ou le deuxième partenaire international. Son influence est importante à cet égard et il ne peut y avoir » d’autre médiateur ayant le même poids, a déclaré le responsable.

« Deux superpuissances »

Selon lui, plusieurs réunions ont permis de préparer le terrain, notamment un bref échange entre les chefs de la diplomatie saoudienne et iranienne en Jordanie fin décembre, une rencontre entre le ministre saoudien des Affaires étrangères et le vice-président iranien durant l’investiture du président brésilien en janvier et la visite du président iranien Ebrahim Raïssi à Pékin en février.  

La Chine « est un acteur majeur de la sécurité et de la stabilité du Golfe », a-t-il insisté.  

Son implication dans la région a toutefois suscité des interrogations, Riyad étant considéré comme un partenaire historique de Washington malgré des tensions croissantes autour des droits de la personne ou de la politique énergétique.  

« Les États-Unis et la Chine sont tous deux des partenaires très importants », a affirmé le responsable saoudien, ajoutant que son pays ne souhaitait « faire partie d’aucune compétition ou différend entre les deux superpuissances ».  

Les responsables américains ont été informés avant que la délégation saoudienne ne se rende à Pékin et avant que l’accord ne soit annoncé, a-t-il dit.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a fait mercredi un éloge prudent de la médiation de la Chine, rivale des États-Unis, l’estimant bénéfique pour la région.

« De notre point de vue, tout ce qui peut contribuer à réduire les tensions, éviter un conflit et dissuader l’Iran d’actions dangereuses et déstabilisatrices, est une bonne chose », a déclaré M. Blinken, en visite en Éthiopie.

Engagements sur le Yémen

Les pourparlers à Pékin ont comporté « cinq sessions très approfondies » sur des questions épineuses, notamment la guerre au Yémen.  

La prise de la capitale yéménite Sanaa début 2015 par les rebelles houthis, proches de l’Iran, a entraîné une intervention en mars de la même année du voisin saoudien, à la tête d’une coalition militaire soutenant les forces gouvernementales.    

Le responsable saoudien a affirmé que les discussions ont abouti à des « engagements concrets » sur le Yémen.  

« L’Iran est le principal fournisseur d’armes, de programmes de formation et d’expertise en matière de propagande aux houthis, et nous sommes la principale victime de ces missiles, drones et autres. L’Iran peut donc faire beaucoup, et devrait faire beaucoup », a-t-il affirmé, en ajoutant que l’Iran doit cesser de « fournir des armes aux houthis ».  

Le responsable saoudien a confirmé que Riyad avait entamé des discussions « indirectes » avec les rebelles yéménites visant à relancer la trêve qui a expiré en octobre et à favoriser un règlement politique impliquant toutes les factions yéménites.  

L’Arabie ne tolérera aucune menace sur sa longue frontière avec le Yémen, a souligné le fonctionnaire saoudien en espérant que l’Iran jouera « un rôle majeur » à ce niveau.  

Les deux parties ont également renouvelé à Pékin leur engagement à ne pas s’attaquer mutuellement à travers les médias, a-t-il poursuivi en précisant que l’Arabie saoudite ne contrôlait pas Iran International TV.  

Cette chaîne en langue persane, qui a déménagé récemment de Londres à Washington, est considérée comme une « organisation terroriste » par Téhéran, qui a accusé l’Arabie saoudite de la financer.  

« Nous continuons à affirmer qu’il ne s’agit pas d’un média saoudien […]. Il s’agit d’un investissement privé », a déclaré le responsable saoudien.  

Une réunion entre les ministres des Affaires étrangères saoudien et iranien est prévue, mais aucune date n’a été fixée, a-t-il ajouté.  

Devant le Conseil de sécurité de l’ONU, par liaison vidéo, Hans Grundberg, l’émissaire spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Yémen, a exhorté mercredi les parties au conflit à « saisir l’opportunité » de cette percée diplomatique dans le Golfe.

Il a salué des « efforts diplomatiques intenses en cours à différents niveaux pour mettre un terme au conflit au Yémen ».

Le diplomate suédois était à Téhéran cette semaine, tandis que son homologue américain Timothy Lenderking s’est rendu mardi à Riyad et à Oman, selon le département d’État.

M. Grundberg s’est félicité d’un « nouvel élan diplomatique régional et international » pour trouver un règlement pacifique au Yémen.