Un pilote d’avion néo-zélandais est retenu en otage par des rebelles indépendantistes de Papouasie. Le plus récent chapitre d’un long combat…

Prise d’otages en Papouasie ? Ah bon, ça nous avait échappé…

Évidemment. Cette province indonésienne passe généralement sous le radar. Mais quand ça brasse, ça brasse…

Que s’est-il passé exactement ?

Il y a deux semaines, un pilote d’avion néo-zélandais, Phillip Mark Mehrtens, a été kidnappé par un groupe de rebelles de l’Armée nationale de libération de la Papouasie occidentale (TPNPB), alors qu’il s’apprêtait à transporter des passagers. On était sans nouvelles de lui, jusqu’à ce que des images du pauvre Kiwi soient diffusées mardi, en short avec un bob sur la tête, entouré de ses ravisseurs.

C’est eux sur la photo ? Ils ont l’air plutôt sympathiques…

C’est encore drôle. Il y a plus d’un demi-siècle que les Papous luttent pour l’indépendance, généralement sans trop de dommages. Mais depuis quelques années, le niveau de violence a augmenté de façon dramatique. En 2018, 20 travailleurs ont été tués sur un chantier d’autoroute (le massacre de Nduga). En 2021, un officier indonésien a été assassiné. D’autres prises d’otages se sont mal terminées, à la suite des interventions de l’armée indonésienne. La vitrine politique du mouvement, l’Organisation pour une Papouasie libre (OPL), dit « condamner » ces dérapages, à commencer par la crise actuelle, « qui nuit à la cause », selon son porte-parole Raki Ap, joint aux Pays-Bas.

PHOTO WEST PAPUA NATIONAL LIBERATION ARMY, FOURNIE PAR REUTERS

Egianus Kogoya, jeune commandant rebelle de Papouasie occidentale, assis sur l’avion capturé du Néo-Zélandais Philip Mehrtens

Mais que veulent les Papous exactement ?

L’indépendance, tout simplement. Colonie néerlandaise depuis 1898, la Papouasie occidentale a été cédée à l’Indonésie en 1962. Ce transfert a été validé en 1969, à la suite d’un référendum controversé parrainé par l’ONU, auquel n’ont participé que 1025 habitants de l’île, triés sur le volet par l’armée indonésienne. Un exercice truqué sur fond de guerre froide. Un vol pur et simple, selon les Papous, qui luttent depuis pour leur souveraineté, malgré un certain degré d’autonomie. En 2019, 1,8 million de Papous ont signé une pétition en faveur de l’indépendance, soit environ 70 % de la population en âge de voter. Mais Jakarta est inflexible et affirme que l’Indonésie est « une et indivisible ». Attention : ne pas confondre Papouasie occidentale (qui est une province indonésienne) et Papouasie–Nouvelle-Guinée, indépendante depuis 1974. Les deux se partagent la même île.

Dites donc, c’est tout petit, la Papouasie occidentale ! Pourquoi l’Indonésie ne la rend-elle pas aux Papous ? Ils ont déjà 18 110 îles dans leur archipel…

Les ressources naturelles y sont vraisemblablement pour quelque chose. La Papouasie occidentale abrite l’une des plus grosses mines d’or et de cuivre au monde (la mine Grasberg-Freeport), et contribue largement à la production indonésienne de bois à pâte et d’huile de palme, l’Indonésie étant le plus gros producteur mondial d’huile de palme. Jakarta multiplie depuis quelques années la construction d’infrastructures pour augmenter ses opérations, ce qui contribue à la hausse des tensions dans la province. Les Papous, autochtones, sont les premières victimes de ces extractions massives, néfastes pour l’écosystème. Selon un rapport de l’ONU datant de 2022, entre 60 000 et 100 000 Papous auraient été déplacés par l’armée indonésienne depuis 2018. Le rapport fait aussi état « d’exécutions extrajudiciaires, y compris d’enfants, de disparitions et de tortures ». « C’est un génocide au ralenti », résume tout simplement Raki Ap.

Et comment réagit Jakarta à cette crise des otages ?

Le ministre indonésien de la Sécurité et des Affaires légales, Mohammad Mahfud, affirme que son gouvernement veut négocier une sortie de crise. Mais il demeure inflexible face aux revendications du groupe indépendantiste et dit « ne pas exclure d’autres moyens » pour libérer l’otage. Dans une vidéo publiée mardi, le chef du groupe rebelle, Elgianus Kagoya, promet de son côté que Phillip Mark Mehrtens « sera en sécurité tant que l’Indonésie n’utilisera pas d’armes, que ce soit par les airs ou par la terre ». Bref, cela n’augure rien de bon.

Dommage d’en arriver là. Mais au moins, cette crise a le mérite d’attirer l’attention sur une cause mal connue…

C’est tout le problème des Papous. Leur combat est très peu couvert par les médias étrangers, interdits d’entrée sur l’île, tout comme les ONG et les agences humanitaires. « On parle beaucoup de nos frères et sœurs ukrainiens. Mais que dire de la colonisation abusive qui a causé la mort de 500 000 Papous en 60 ans ? Personne n’en parle », déplore Raki Ap. Celui-ci garde espoir malgré tout. « Les faits parlent pour nous. Le droit international est de notre côté. Nous avons tous les éléments pour gagner les cœurs et les esprits du monde. À nous de les sensibiliser… »

Sources : Stuff, RFI, UN News, Associated Press, Reuters, Vice Magazine, Mongabay, Mining Digital, Wikipédia, The Diplomat, Zone Bourse, Watson