(Manille) La lauréate du prix Nobel de la paix 2021 Maria Ressa, acquittée d’évasion fiscale mercredi, a assuré dans un entretien à l’AFP qu’elle n’excluait pourtant pas d’être un jour arrêtée.

C’est une « victoire pour les journalistes » aux Philippines et dans le monde, a-t-elle dit après le verdict mercredi.  

Mais la menace est toujours présente et Mme Ressa, 59 ans, a dit à l’AFP qu’elle conserve un « sac d’urgence » avec ses effets personnels, un change de vêtements, des draps, du dentrifrice et un oreiller au cas où la police viendrait l’arrêter.

« Vous devez avoir un sac d’urgence de prêt au cas où vous vous faites arrêter et vous devez aller en prison », a-t-elle dit.

« Il fut un temps où je me promenais avec de l’argent pour une caution sur moi tout le temps parce qu’on ne savait pas quand on allait être arrêtés », a ajouté la journaliste qui se bat depuis des années pour éviter la prison.

La journaliste du site Rappler, qu’elle a cofondé, a préparé ses reporters à toute éventualité peu après le début de ses ennuis judiciaires et l’élection de M. Duterte en 2016.

Des exercices ont été organisés pour se préparer à une descente de police, dit-elle, car « qui sait ce qu’il va se passer ? Quand on est sur des sables mouvants, on est sur des sables mouvants », assure Mme Ressa.

« Lorsque nous nous organisions pour ce qui allait se passer aujourd’hui, la première chose à laquelle nous pensions était la condamnation […] Car c’est la toute première fois depuis que le président Duterte a pris ses fonctions que nous remportons une victoire judiciaire », a-t-elle ajouté.

Mme Ressa, colauréate du prix Nobel de la paix en 2021 avec le journaliste russe Dmitry Muratov, a été l’une des plus virulentes critiques de l’ancien président Rodrigo Duterte, au pouvoir de 2016 à 2022, et de ses méthodes violentes dans la guerre anti-drogue.

Mme Ressa fait face à trois autres affaires pénales, dont une condamnation pour cybercriminalité, actuellement en appel, pour laquelle elle encourt près de sept ans de prison.

« Je pense que ce que le président Duterte a fait ici c’est de créer un climat de peur. Et c’est pour tout le monde, les journalistes, les entreprises, les institutions », a-t-elle dit à l’AFP.

Mme Ressa, ancienne journaliste de CNN, également titulaire d’un passeport américain, a assuré qu’elle ne quitterait jamais son pays pour éviter d’être condamnée. « Vous prenez vos émotions et vous les poussez tout au fond de votre estomac », a-t-elle dit.