(Moscou) Le procès par contumace de l’opposante biélorusse en exil Svetlana Tikhanovskaïa s’est ouvert mardi à Minsk, en pleine accélération de la machine répressive du régime autoritaire du président Alexandre Loukachenko, dont elle est devenue la bête noire.

Réfugiée en Lituanie, Svetlana Tikhanovskaïa, 40 ans, est visée par une dizaine d’accusations, notamment celles de haute trahison et de « conspiration pour prendre le pouvoir de manière inconstitutionnelle ».

Dans un entretien lundi avec l’AFP, elle a qualifié ce procès de « farce » et de « vengeance personnelle » d’Alexandre Loukachenko contre celle qui a fait trembler son pouvoir en 2020.

Pendant l’été 2020, la Biélorussie avait été secouée par un mouvement de contestation historique pour dénoncer la réélection controversée du dirigeant autoritaire, au pouvoir depuis près de trois décennies.

Svetlana Tikhanovskaïa, qui s’était présentée à la présidentielle à la place de son époux emprisonné, avait pendant la campagne réuni des foules à travers le pays, suscitant l’espoir d’un changement.

Contrainte à l’exil, celle qui se présentait autrefois comme une simple mère au foyer est désormais le visage des forces démocratiques en Biélorussie et l’ennemie d’un régime dont elle dénonce inlassablement les exactions brutales.

Quatre alliés en exil de l’opposante – Maria Moroz, Pavel Latouchko, Olga Kovalkova et Sergueï Dylevski – sont également jugés avec elle.

Leur procès s’inscrit dans un contexte d’aggravation ces dernières semaines de l’implacable répression orchestrée par le régime de M. Loukachenko, avec une succession d’affaires judiciaires contre des opposants.

Ces procès ont généralement lieu à huis clos, dans l’opacité la plus totale.

« Je ne sais pas combien de temps ce procès durera, combien de jours, mais je suis sûre qu’ils me condamneront à beaucoup, beaucoup d’années de prison », a déclaré l’opposante.

Mardi, depuis le Forum économique mondial de Davos (Suisse) où elle était invitée, Mme Tikhanovskaïa a estimé qu’Alexandre Loukachenko était un « dictateur pitoyable » et avait « peur de l’avenir » démocratique de la Biélorussie.

« La Biélorussie sera un pays libre, indépendant, pacifique et qui réussit », a-t-elle ajouté.

Répression à plein régime

Si l’opposante semble à l’abri des geôles de Minsk en raison de son exil, les autorités biélorusses ont trouvé un autre moyen de la punir en annonçant lundi de nouvelles poursuites contre son mari, actuellement emprisonné en Biélorussie.

Blogueur populaire qui critiquait férocement M. Loukachenko, Sergueï Tikhanovski avait été condamné en décembre 2021 à 18 ans de prison, notamment pour « organisation de troubles massifs » et « incitation à la haine dans la société ».

Lundi, les autorités biélorusses ont annoncé l’avoir inculpé pour « insubordination » à l’égard de l’administration pénitentiaire, une accusation passible de deux ans de prison supplémentaires.

Après le mouvement de contestation de 2020, le régime biélorusse a lancé une répression implacable contre toute voix critique à coups d’arrestations massives, d’exils forcés et d’emprisonnements d’opposants, de responsables de médias et d’ONG.

Selon le centre Viasna, le pays compte actuellement plus de 1400 prisonniers politiques.

Et, plus de deux ans après les faits, la répression bat son plein.

Prix Nobel sous les verrous

Début janvier, un tribunal a commencé à juger Ales Bialiatski, un militant pour la démocratie emprisonné, co-lauréat du prix Nobel de la paix 2022 et fondateur du centre Viasna. M. Bialiatski et ses collaborateurs risquent jusqu’à 12 ans de prison.

Les procès de plusieurs collaboratrices du site d’information Tut.by, principal média indépendant de la Biélorussie, dont sa rédactrice en chef Marina Zolotova, ont aussi débuté à huis clos.

Et lundi, le procès à huis clos d’un journaliste biélorusse, Andrzej Poczobut, figure de la minorité polonaise, s’est ouvert. Il risque jusqu’à 12 ans d’emprisonnement pour avoir appelé à des sanctions internationales contre la Biélorussie.

« La répression politique par le régime de Loukachenko atteint un niveau sans précédent », a déclaré dans un communiqué le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, pour qui ces procès « visent à faire taire toutes les voix indépendantes et verrouiller l’espace qui restait au débat démocratique ».