La fin de la politique zéro COVID en Chine braque les projecteurs sur deux particularités de l’empire du Milieu : le développement autarcique de ses vaccins et l’aversion des aînés pour la vaccination.

« La plupart des personnes âgées en Chine n’ont jamais eu de vaccin », explique Ben Cowling, un immunologue de l’Université de Hong Kong qui a publié les deux seules études sur les vaccins chinois contre la COVID-19. « Moins de 5 % des plus de 60 ans reçoivent un vaccin antigrippal chaque année. Ils ont donc beaucoup de réticence à se faire vacciner, d’autant plus qu’au début, les vaccins n’étaient pas donnés aux plus de 60 ans parce qu’on craignait qu’ils ne soient pas sécuritaires pour les personnes âgées. »

Selon les données du DCowling, 30 % des plus de 60 ans et 60 % des plus de 80 ans ont reçu deux doses ou moins de vaccin contre la COVID-19 en Chine. En comparaison, au Québec, plus de 85 % des plus de 60 ans et plus de 90 % des plus de 80 ans ont reçu trois doses ou plus. Et la couverture vaccinale pour l’influenza chez les plus de 65 ans au Québec dépasse 70 %.

Les vaccins chinois contre la COVID-19 n’ont pas fait l’objet d’autant d’études que ceux de l’Occident, mais ils sont aussi efficaces à trois doses contre les maladies graves, selon le DCowling. « Et si la troisième dose remonte à plus de six mois, ce qui est le cas de la majorité de ceux qui ont reçu trois doses en Chine, l’efficacité diminue, comme pour les vaccins occidentaux », explique-t-il.

La réticence à se faire vacciner, particulièrement chez les personnes âgées, est la cause du bilan catastrophique du variant Omicron à Hong Kong il y a un an.

Le Dr Ben Cowling, immunologue de l’Université de Hong Kong

Le nombre de morts y a frôlé les 10 000 dans les premiers mois de 2022, un taux deux fois plus élevé qu’au Québec lors de la première vague, au printemps 2020.

Pourquoi l’État chinois n’a-t-il pas serré la vis aux aînés pour qu’ils se fassent vacciner ? « Le contrôle de la population était beaucoup lié aux activités sociales, dit le DCowling. Pour une personne âgée qui reste chez elle, l’État n’avait pas beaucoup de prise pour forcer la vaccination. »

PHOTO NOEL CELIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un patient âgé atteint de la COVID-19 est allongé sur une civière aux urgences au centre hospitalier de l’Université médicale de Chongqing, dans la ville de Chongqing, jeudi.

L’hebdomadaire The Economist a publié début décembre une modélisation basée sur les taux de vaccination d’alors. Il concluait que le bilan de la vague Omicron qui suivrait la fin de la stratégie « zéro-COVID-19 » pourrait dépasser deux millions de morts, dont 1,5 million d’aînés.

L’un des problèmes du système de santé chinois est qu’il n’attribue pas un décès à la COVID-19 si un patient avait déjà une comorbidité.

Le Dr Ben Cowling

« Alors c’est très difficile de suivre la situation. Il y a un plan de parachuter des équipes médicales dans les régions les plus touchées, mais il risque d’y avoir trop de points chauds. Les régions rurales sont particulièrement mal équipées sur le plan des hôpitaux et du personnel. »

ARNm et vaccin nasal

Les deux principaux vaccins chinois sont basés sur la même technologie que ceux contre la grippe. Il s’agit de virus inactivés. Leur production est toutefois plus compliquée, parce qu’on ne peut pas les cultiver dans des œufs, comme pour le vaccin contre la grippe, selon le DCowling.

« Il y a un vaccin à ARN messager (ARNm) comme ceux de Moderna et de Pfizer-BioNTech, mais curieusement, il est seulement approuvé en Indonésie, dit le chercheur hongkongais. Il y a aussi un vaccin nasal, en vaporisateur, mais il n’est pas utilisé pour le moment et je n’ai jamais vu de chiffres d’efficacité. »

Plusieurs groupes américains et européens travaillent sur des vaccins nasaux contre la COVID-19, qui pourraient être intéressants pour les enfants et pour ceux qui ont peur des aiguilles. Mais les progrès de cette technologie, envisagée depuis deux décennies, sont modestes : il n’existe qu’un seul vaccin nasal contre la grippe, Flumist d’AstraZeneca, mais il est peu utilisé au Canada.

Washington appelle Pékin à partager les informations

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a appelé jeudi la Chine à partager ses informations sur la nouvelle vague de COVID-19 que connaît le pays, et a proposé à nouveau une aide sous la forme de vaccins. « Il est très important que tous les pays, y compris la Chine, s’attachent à ce que les gens soient vaccinés, que les tests et les traitements soient disponibles, et plus encore, à ce que l’information sur ce qu’ils vivent soit partagée avec le monde – parce que cela a des implications non seulement pour la Chine, mais pour le monde entier », a déclaré M. Blinken lors d’une conférence de presse. Depuis que Pékin a, début décembre, mis fin à ses strictes restrictions sanitaires, le nombre de cas positifs à la COVID-19 a explosé en Chine, faisant craindre une forte mortalité chez les plus âgés. Le secrétaire d’État américain prévoit une visite à Pékin début 2023 pour tenter d’apaiser les tensions avec le principal adversaire diplomatique et économique des États-Unis.

Agence France-Presse

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    Nombre total de morts de la COVID-19 en Chine selon la Commission nationale de la santé, en date du 19 décembre
    Source : BBC