(Oulan-Bator) De nouvelles manifestations ont éclaté jeudi dans la capitale mongole Oulan-Bator, après l’arrestation de responsables soupçonnés d’être impliqués dans une retentissante affaire de détournement de fonds dans le secteur du charbon, qui suscite un tollé national.

Depuis dimanche, des milliers de personnes défilent quotidiennement par des températures glaciales dans les rues de la ville. Le mécontentement populaire est catalysé par les difficultés économiques du pays d’Asie de l’Est, enclavé entre la Chine et la Russie.

Célébrités et influenceurs sur les réseaux sociaux se sont joints à la contestation, après ces accusations de détournement de milliards d’euros des caisses publiques par une « faction du charbon » composée de députés et cadres d’entreprise.

Ces députés, qui posséderaient des mines de charbon et des compagnies de transport, sont accusés d’avoir profité de leur position afin d’acheminer du charbon en Chine dans l’illégalité, détournant au passage des fonds à leur profit.

« Nous nous battons contre ces escrocs au gouvernement. Ils nous volent notre avenir », a déclaré une manifestante, Purevsuren Lkhagvasuren. « Les minerais qui viennent de notre sol sont vendus selon les critères de prix internationaux ».

Bravant les -17 °C, plus d’un millier de personnes se sont rassemblées jeudi sur la place Sukhbaatar d’Oulan-Bator, sous l’imposante statue du héros national Gengis Khan.

PHOTO ALEXANDER NIKOLSKIY, ASSOCIATED PRESS

Plus d’un millier de personnes se sont rassemblées jeudi sur la place Sukhbaatar d’Oulan-Bator.

La police était présente, mais la manifestation est restée pacifique, a constaté un journaliste de l’AFP. D’autres rassemblements plus tôt dans la semaine avaient donné lieu à des affrontements sans gravité.

La police enquête sur le bassin houiller de Tavan Tolgoi, qui génère de très importants revenus pour l’État, afin de trouver des preuves de détournements présumés et de la corruption d’agents des douanes.

Le « secteur minier en Mongolie est un chaos. Il n’y a aucune transparence », a observé un autre manifestant, Gan-Erdene Lombo, qui travaille comme mineur à Tsogts-Tsetsii dans le Sud du désert de Gobi, la région où est situé le gisement de charbon de Tavan Tolgoi.

« Ils creusent partout, il n’y a aucune réhabilitation », a-t-il ajouté.

Le ministre de la Justice, Nyambaatar Khishgee, a annoncé jeudi l’arrestation de Gankhuyag Battulga, ancien PDG d’Erdenes Tavan Tolgoi – l’une des plus grandes entreprises mongoles d’extraction de charbon – ainsi que de sept autres personnes accusées de blanchiment d’argent provenant du charbon détourné.

Selon lui, des enregistrements de caméras de surveillance d’un poste-frontière ont montré des douaniers n’ayant pas enregistré certains véhicules, laissant penser que du charbon a été exporté dans l’illégalité.

Le mécontentement populaire est d’autant plus fort que les Mongols souffrent déjà d’une forte inflation et d’une économie tournant au ralenti en raison de la COVID-19 et de la guerre en Ukraine.

Mercredi, le premier ministre mongol, Luvsannamsrai Oyun-Erdene, a rencontré les manifestants, promettant de « détruire le système pourri » de la corruption.

Un « gang » d’hommes politiques qui ont gagné de l’argent grâce aux mines de charbon et de cuivre ont pris le contrôle des forces de l’ordre pour tenter d’empêcher une enquête, a-t-il déclaré. Il a demandé aux manifestants de laisser du temps aux autorités pour révéler les noms des responsables impliqués.

« Les membres du Parlement doivent prendre leurs responsabilités. Ce dont nous avons besoin de plus important à présent est la dissolution du gouvernement », assure un manifestant nommé Baatarchuluun, s’interrogeant : mais « qui allons-nous mettre à leur place ? »

Actuellement, 86 % des exportations totales de la Mongolie, toutes marchandises confondues, ont la Chine pour destination. La moitié de ces achats chinois sont du charbon.

La Mongolie est aux prises avec l’instabilité politique depuis sa première Constitution démocratique en 1992, à sa sortie de l’orbite soviétique.