Le président Xi Jinping s’apprête à renforcer son emprise déjà considérable sur le pouvoir à l’issue du Congrès national du Parti communiste chinois qui se termine samedi à Pékin.

Nombre d’observateurs occidentaux appréhendent que le président chinois ne profite de l’obtention d’un nouveau mandat à la tête du géant asiatique pour poursuivre encore plus agressivement son programme nationaliste, sans égard aux conséquences.

« Xi Jinping a une mission et il pense qu’il a la recette pour y parvenir », affirme Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada en Chine.

PHOTO NOEL CELIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Xi Jinping, président de la Chine, au Congrès national du Parti communiste

À moins d’un improbable coup de théâtre, le dirigeant chinois sera reconduit en fin de semaine comme secrétaire général du parti, obtenant dans la foulée un troisième mandat de cinq ans d’affilée comme président et rompant avec la limite de deux mandats respectée depuis des décennies.

Premier ministre

La principale inconnue du congrès, dont les conclusions sont décidées à l’avance par l’élite du parti, est de savoir qui pourra à terme succéder au premier ministre sortant, Li Keqiang, associé à une faction critique du président.

La composition du bureau politique du Parti communiste et de son comité permanent, qui sera annoncée à la fin du congrès, donnera une indication clé à ce sujet avant que Li ne termine formellement son mandat en mars.

Selon Guy Saint-Jacques, le président chinois souhaite installer à cette position un protégé entièrement acquis à son approche, afin de limiter plus encore les contre-pouvoirs internes susceptibles de le freiner.

L’Asia Society Policy Institute, dans une analyse parue en prévision du congrès, a relevé que le président a écarté ses principaux opposants depuis son arrivée au pouvoir en 2012 grâce à une agressive campagne anticorruption.

Il a parallèlement créé une multitude de comités chapeautés par des proches répondant à ses ordres pour « centraliser le pouvoir » entre ses mains au détriment des institutions étatiques, s’élevant politiquement dans le processus à une position comparable à celle qu’occupait autrefois Mao Zedong.

Dans une récente analyse, Susan Shirk, spécialiste de la Chine rattachée à l’Université de Californie à San Diego, souligne que le président chinois « valorise la soumission à son égard plus que la compétence », poussant ainsi ses subordonnés à appliquer agressivement ses politiques sans évoquer leurs « conséquences négatives » potentielles.

Plutôt que d’être un rassurant signe de continuité, son troisième mandat à la tête de la Chine pourrait se traduire par des années d’incertitude alors que les problèmes s’accumulent autour d’un leader sans contrainte peu enclin à la consultation.

Susan Shirk, spécialiste de la Chine

Yuen Yuen Ang, chercheuse rattachée à l’Université de Victoria, prévenait récemment dans le Journal of Democracy que la concentration du pouvoir en Chine a pour effet de multiplier les effets des décisions du président, pour le meilleur et pour le pire.

« Lorsque Xi prend une mauvaise décision, les effets sont sismiques et sont ressentis non seulement au sein du Parti communiste chinois, mais aussi à travers le monde », relève-t-elle.

Turbulences économiques

Guy Saint-Jacques note que les discours de Xi Jinping soulignant la montée en puissance de la Chine ne doivent pas faire oublier que le pays connaît d’importantes difficultés.

L’application d’une politique « zéro COVID-19 » a limité le nombre de victimes de la pandémie, mais continue de générer des confinements à grande échelle qui freinent l’économie.

L’ex-ambassadeur du Canada souligne que Xi Jinping, sous prétexte d’assurer une plus grande redistribution des richesses, s’est attaqué récemment aux géants technologiques chinois, suscitant l’inquiétude du secteur privé.

Le Fonds monétaire international a revu à la baisse ses projections de croissance pour le pays en 2022, de 8,1 % à 3,2 % du PIB, un seuil bien inférieur à celui qui est normalement enregistré.

Le chômage, à près de 20 % chez les jeunes de 16 à 24 ans, devient source de préoccupation pour le régime, qui a multiplié sous Xi Jinping les mesures de contrôle social sans égard aux critiques internationales.

Politique étrangère

La consolidation du pouvoir entre les mains du président chinois pourrait aussi se traduire par une approche encore plus agressive en matière de politique étrangère alors que les tensions avec les États-Unis sont croissantes, note M. Saint-Jacques.

Le sort de Taiwan retient particulièrement l’attention dans ce contexte. Lors de son discours au congrès, le dirigeant chinois a précisé qu’il n’excluait pas d’utiliser la force pour réintégrer l’île dans le giron de la Chine si les pressions multiformes exercées à ce sujet ne portent pas leurs fruits.

Kharis Templeman, professeur à l’Université Stanford qui étudie de près l’évolution du conflit, ne s’attend pas à ce que l’issue du congrès change fondamentalement la donne.

Le discours de Xi Jinping ne suggérait rien de nouveau, et ce n’est pas l’ajout de quelques pions dans l’appareil politique qui semble susceptible de tout bousculer sur ce plan, souligne-t-il.

« Il n’y a pas de pression systémique le poussant à agir », estime le chercheur.