(Shanghai) Dans l’est de Shanghai, Terry, confiné à 25 ans, joue aux jeux vidéo pour tromper son ennui. À l’ouest, Maria profite d’une dernière soirée au restaurant avant le confinement de sa moitié de ville.

La capitale économique chinoise, peuplée de 25 millions d’habitants, est aux prises avec sa pire flambée de COVID-19 depuis le début de l’épidémie fin 2019.

Après plusieurs semaines de demi-mesures, Shanghai a confiné la moitié est de la ville (le quartier de Pudong) jusqu’à vendredi – date à laquelle c’est sa partie ouest (Puxi) qui sera mise sous cloche pendant quatre jours.

Résultat : la cité est coupée en deux, avec des habitants bloqués chez eux ou vivant normalement, suivant qu’ils habitent d’un côté ou de l’autre du Huangpu, le fleuve qui traverse la métropole.

La priorité de la mairie est désormais de dépister l’ensemble des Shanghaïens, car la flambée épidémique, due au variant Omicron, continue sa progression. Près de 6000 nouveaux cas positifs, un record, ont été annoncés mercredi.

De Paris à New York, la plupart des grandes métropoles mondiales ont levé leurs restrictions et apprennent à vivre avec le virus, malgré la pression sur le système de santé.

Mais la Chine persiste dans sa stratégie zéro COVID-19, qui vise à tout faire pour éviter la survenue de nouveaux cas et de décès.

Les rues de l’Est de Shanghai, ville chinoise la plus cosmopolite et ouverte sur l’étranger, sont désertes et des barrières empêchent l’accès aux bâtiments résidentiels.

Cuisine et chien

« Je ne peux pas sortir de chez moi, aller faire les courses, sortir avec mes amis », se lamente Terry, employé d’une entreprise publique.

Pudong est confiné depuis lundi, après des semaines de mini-confinements ciblés des complexes résidentiels où des cas avaient été détectés.

Comme beaucoup d’autres, Terry doit se contenter d’un salaire minoré durant la fermeture de son bureau.  

« Je m’ennuie et j’ai le moral à zéro », explique le jeune homme, qui utilise un nom d’emprunt anglais.

« Ça fait trop longtemps que je suis enfermé. Je ne peux que regarder la télé, lire ou bien jouer à des jeux vidéo. »

Côté Ouest, dans le cœur historique de Shanghai avec son emblématique quai du Bund, ses boutiques branchées et sa vie nocturne réputée, on anticipe le confinement qui arrive vendredi.

« Je suis allée dîner au restaurant hier », explique Maria, une Américaine. « J’essaie de faire des choses pour garder le moral avant le confinement. »

Les habitants de l’Ouest ont pris d’assaut les supermarchés afin de constituer des stocks en prévision de vendredi.

Mais dans la rue Anfu, où les Shanghaïens aisés et branchés viennent boire leur café, Shirley, 42 ans, compte surtout jouir au maximum du temps qui lui reste.

« On va faire la cuisine, inviter des amis, promener le chien et profiter de chaque minute de la vie avant le confinement », explique cette employée qui travaille dans le design.

« Fantôme de 2019 »

Face à la grogne des petits commerces, la mairie tente de limiter les pertes en offrant des allégements fiscaux et des aides aux PME.

Beaucoup de Shanghaïens saluent ce confinement, qu’ils voient comme un mal nécessaire après des semaines de mesurettes à l’efficacité limitée.

« Le nombre de cas continuait à augmenter », déclare Frank Huang, un négociant en vin.  

« Je pense que cette mesure va être très efficace et nous permettre de retrouver enfin une vie normale. »

Si la logistique du confinement est dans l’ensemble bien huilée, des Shanghaïens dénoncent toutefois une application parfois trop zélée des consignes.

Sur le réseau social Weibo, beaucoup se plaignent de ne pouvoir entrer dans les hôpitaux, même en cas d’urgence, faute de pouvoir sortir de leur quartier confiné ou présenter un test COVID-19 négatif.

La lassitude commence également à s’installer.

« Le monde entier revient sur la bonne voie » en cohabitant avec le virus, écrit un autre utilisateur de Weibo.

« On est le seul pays qui attend et vit encore avec le fantôme de 2019. »