(Pékin) Un ordre mondial « plus juste ». Cinq semaines après l’invasion de l’Ukraine, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a obtenu mercredi auprès de son allié chinois une réaffirmation de l’amitié « sans limite » des deux pays face aux États-Unis.

Face à la résistance ukrainienne et à l’unité des démocraties occidentales, qui ont pris des sanctions sans précédent contre elle, la Russie ne peut compter que sur la puissance chinoise pour échapper à un isolement économique total.

Dans ce contexte, Sergueï Lavrov a profité d’un entretien bilatéral dans l’est de la Chine avec son homologue Wang Yi pour annoncer l’avènement du nouvel ordre mondial rêvé par les deux pays.

« Nous vivons une étape très sérieuse dans l’histoire des relations internationales », a-t-il déclaré, dans une vidéo de l’entretien diffusée par Moscou.

« Je suis convaincu qu’à l’issue de cette étape, la situation internationale sera nettement plus claire et que nous […] nous dirigerons vers un ordre mondial multipolaire, juste, démocratique », a-t-il lancé à son hôte.

« Les relations sino-russes ont bien résisté à l’épreuve du changement de la situation internationale », lui a répondu ce dernier, selon des propos rapportés par son ministère.  

Dans un communiqué publié par Moscou, les deux pays ont annoncé vouloir « poursuivre l’approfondissement de la coordination en politique étrangère » et « élargir l’action commune », mais sans annoncer de mesures concrètes de soutien de la Chine à la Russie.

« Opposition à l’hégémonie »

Les puissances occidentales ont mis en garde Pékin contre tout soutien au régime du président russe Vladimir Poutine qui permettrait à Moscou d’atténuer l’impact des sanctions.

Les entreprises chinoises font preuve de prudence dans leurs échanges avec la Russie, de peur d’être frappées par ricochet par ces sanctions.

M. Lavrov a donc dû se contenter d’une réaffirmation du caractère illimité de l’amitié entre les deux pays face au rival américain commun.

« Notre opposition à l’hégémonie est sans limites », a assuré un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, interrogé sur la visite du ministre russe.

Depuis le 24 février, Pékin s’est refusé à condamner l’invasion de l’Ukraine.

Début mars, Wang Yi avait même salué une amitié « solide comme un roc » avec Moscou et défendu les préoccupations « raisonnables » de la Russie pour sa sécurité.  

Quelques semaines avant la guerre, Vladimir Poutine avait lui-même été chaleureusement reçu par son homologue chinois Xi Jinping à Pékin. Les deux pays avaient déjà célébré une amitié « sans limites » et dénoncé « l’extension » de l’OTAN.  

L’Afghanistan au menu

Sergueï Lavrov doit participer en Chine à deux jours de réunions sur l’Afghanistan, durant lesquelles il devrait côtoyer un diplomate américain.

Pékin et Moscou ont vu dans le départ des forces américaines de Kaboul une preuve de l’affaiblissement de l’Amérique.

La réunion, organisée à Tunxi (est), dans la grande région de Shanghai, rassemble sept pays voisins de l’Afghanistan. Le chef de la diplomatie des talibans au pouvoir à Kaboul, Amir Khan Muttaqi, est également attendu, selon l’agence Chine nouvelle.  

Parallèlement, doit se tenir une réunion d’un « mécanisme de consultation » sur l’Afghanistan, avec la participation de diplomates de Chine, de Russie, du Pakistan, mais aussi des États-Unis.

Selon un porte-parole du département d’État américain, le représentant spécial de Washington pour l’Afghanistan, Tom West, doit assister à la réunion.

Ces réunions surviennent une semaine après une visite de Wang Yi à Kaboul, pour la première fois depuis l’arrivée au pouvoir des fondamentalistes islamistes en août dernier.

La Chine partage une petite frontière de 76 kilomètres à très haute altitude avec l’Afghanistan.  

Pékin craint depuis longtemps que son voisin ne devienne une base de repli pour les séparatistes et islamistes de l’ethnie ouïghoure, majoritaire dans sa vaste région du Xinjiang (Nord-Ouest).