(Manille) Le coup d’envoi de la saison électorale a été donné vendredi aux Philippines avec en lice des célébrités du petit écran, des personnalités politiques et au moins un détenu, parmi des milliers de candidats pour des postes allant de président à conseiller municipal.  

Une procédure d’inscription d’une semaine marque le début de sept mois de campagne pour plus de 18 000 postes, mais la pandémie et la misère économique entraînée par les confinements répétés pourraient cette année en atténuer l’atmosphère festive.  

En mai sera élu un successeur au président Rodrigo Duterte, à qui la Constitution interdit de briguer un second mandat de six ans, au terme d’un scrutin qui devrait attirer plus de 60 millions d’électeurs.  

M. Duterte, toujours aussi populaire dans les sondages que lorsqu’il a été porté à la tête du pays en 2016 en promettant de le débarrasser de la drogue, a déclaré qu’il se présenterait à la vice-présidence.   

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Le président Rodrigo Duterte

Parmi les principaux candidats à sa succession figurent sa fille, Sara, et son allié Ferdinand « Bongbong » Marcos, fils et homonyme de l’ancien dictateur du pays.  

L’ex-acteur et maire de la ville Francisco Domagoso, connu sous son pseudonyme Isko Moreno, et la superstar de la boxe Manny Pacquiao, qui vient de prendre sa retraite, envisagent également de se présenter.  

Ce dernier est allé s’inscrire vendredi, conduit dans un autobus portant l’inscription « Man of Destiny ». Sur son trajet, retransmis en direct sur Facebook, des dizaines de supporteurs agitaient le drapeau national au bord de la route.  

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Des partisans de Manny Pacquiao ont manifesté leur soutien à l’icône de la boxe.

Dans cette démocratie chaotique, les campagnes électorales sont souvent hautes en couleur et riches en vedettes, les candidats faisant appel à des célébrités pour attirer les foules.   

« Clowns »

« C’est un cirque », explique à l’AFP l’analyste politique Tony La  Vina.  

Les électeurs « ont le sentiment que pendant ce bref moment, ils sont les patrons et se font courtiser par des prétendants dont ils exigent qu’ils chantent, dansent ou fassent les clowns ».  

Cette saison électorale pourrait être moins festive, selon les analystes, mais probablement tout aussi meurtrière, certains politiciens ayant recours à la violence pour éliminer leurs rivaux malgré l’interdiction des armes à feu.  

La campagne se déroulera « en grande partie » sur les réseaux sociaux, a prédit M. La Vina, la montée des infections et le rythme lent des vaccinations limitant les rassemblements de masse.  

Cela pourrait rééquilibrer les chances de candidats moins connus dans un pays où avoir de la personnalité et un nom reconnu sont essentiels pour gagner des voix, estime Ronald Mendoza, doyen de l’Ateneo School of Government de Manille.  

À condition d’y mettre le prix, car le pays reste en proie à la pauvreté, à la corruption et à une culture historique du favoritisme.

Imprévisible

Pour l’analyste Richard Heydarian, il est encore trop tôt pour désigner un potentiel vainqueur dans la course présidentielle.  

« Cela dépendra beaucoup de qui va se présenter, du nombre de candidats, des débats présidentiels et du genre de singeries que les candidats vont faire », a-t-il déclaré.  

M. Duterte n’a pas encore annoncé le nom de son favori, une préoccupation constante pour les présidents philippins sortants qui cherchent à éviter d’être arrêtés.  

Beaucoup s’attendent à ce que ce soit sa fille Sara, qui le protégerait probablement des poursuites pénales aux Philippines et des procureurs de la Cour pénale internationale qui enquêtent sur sa guerre meurtrière contre la drogue.  

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Sara Duterte, la fille de Rodrigo Duterte

Même si Sara Duterte rate la date limite d’inscription du 8 octobre, elle a encore jusqu’au 15 novembre pour faire une inscription tardive, comme son père en 2015.  

Un soutien présidentiel serait un « baiser de la mort » pour son destinataire, selon Jorge Tigno de l’institut de sondage Social Weather Stations, même si le taux de satisfaction de M. Duterte était encore de 62 % en juin, contre 64 % en septembre 2016, selon l’institut.