(Séoul) La Corée du Nord et la Corée du Sud ont procédé toutes deux mercredi à des tirs de missiles dans ce qui ressemble à une véritable course à l’armement entre ces deux pays toujours techniquement en guerre.

Les États-Unis ont « condamné » le tir nord-coréen effectué « en violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU » et qui « représente une menace pour les voisins ». Mais ils ont aussi réaffirmé leur appel au « dialogue », resté jusqu’ici sans réponse de la part de Pyongyang depuis l’arrivée du président Joe Biden à la Maison-Blanche en janvier.

PHOTO MARINE SUD-CORÉENNE, VIA ASSOCIATED PRESS

Cette image tirée d’une vidéo diffusée par le ministère sud-coréen de la Défense, montre le lancement d’un missile balistique sud-coréen tiré depuis le sous-marin Ahn Chang-ho, récemment mis en service, et a parcouru la distance prévue avant d’atteindre sa cible, a indiqué la Maison bleue, siège de la présidence sud-coréenne.

Le lancement de deux missiles balistiques nord-coréens vers la mer a été suivi quelques heures après par celui d’un missile balistique depuis un sous-marin par la Corée du Sud, supervisé par le président Moon Jae-in.

La Corée du Sud est ainsi devenue le septième pays au monde à disposer de cette technologie de pointe, une avancée stratégique importante pour Séoul qui lui donne une longueur d’avance sur son voisin du Nord.

Ce dernier est soumis à des sanctions internationales en raison de ses programmes d’armes nucléaires et de missiles balistiques interdits.

PHOTO TÉLÉVISION NORD-CORÉENNE

Le régime nord-coréen avait diffusé le 12 septembre des images du lancement d’un autre engin militaire, un missile de croisière lancé d’un lanceur mobile terrestre.

« Le fait d’avoir deux Corées qui effectuent des tirs d’essai de missiles balistiques le même jour est extraordinaire », a déclaré à l’AFP John Delury, professeur à l’université Yonsei. « Cela montre bien qu’il y a une course aux armements dans cette région à laquelle tout le monde doit prêter attention. »

Le Conseil de sécurité de l’ONU a ainsi annoncé une réunion d’urgence mercredi sur ces tirs dans la péninsule coréenne, qui se tiendra à huis clos et de manière informelle.  

Selon l’armée de Séoul, le Nord a tiré « deux missiles balistiques de courte portée depuis la province de Pyongan Sud (centre) en direction de l’est vers la mer ». Ils ont parcouru environ 800 kilomètres à une altitude maximale d’environ 60 kilomètres.

Jeudi, l’agence KCNA a précisé qu’il s’agissait d’un exercice de tir pour un « régiment de missiles embarqués », dans le but d’accroître « la capacité à porter un coup intensif et multiple aux forces qui nous menacent ».

Le ministre japonais de la Défense, Nobuo Kishi, a estimé qu’ils étaient tombés dans les eaux de la zone économique exclusive du Japon.

Le missile balistique mer-sol (SLBM) sud-coréen a lui été tiré depuis le sous-marin Ahn Chang-ho, récemment mis en service, et a parcouru la distance prévue avant d’atteindre sa cible, a fait savoir la présidence sud-coréenne.

Tous les pays disposant de SLBM sont dotés de l’arme nucléaire.

La Corée du Sud dispose désormais « d’une dissuasion suffisante pour répondre aux provocations de la Corée du Nord à n’importe quel moment », a déclaré le président Moon.

Il s’est attiré une riposte cinglante de l’influente sœur du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Kim Yo Jong a condamné « l’attitude illogique de Séoul » qui considère ses tirs de missiles balistiques comme « des actions légitimes pour soutenir la paix, et nos actions comme une menace contre la paix », a-t-elle dit, selon les médias officiels nord-coréens.

« Renouer le dialogue »

Il s’agit du deuxième tir de Pyongyang en moins d’une semaine, selon l’agence officielle nord-coréenne KCNA qui avait fait état lundi du lancement d’un « missile de croisière longue portée » au cours du week-end.  

Les tirs de mercredi du Nord comme du Sud sont intervenus au moment où le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, est à Séoul pour s’entretenir avec son homologue sud-coréen.

S’exprimant avant l’annonce de ces tirs, le ministre avait dit espérer que tous les pays contribueraient « à la paix et à la stabilité dans la péninsule coréenne », selon l’agence de presse sud-coréenne Yonhap, les invitant « tous à travailler ensemble à renouer le dialogue ».

Pour les analystes, ces tirs sont un signal destiné à la Chine, principal allié diplomatique et partenaire commercial du Nord bien que les relations entre les deux pays soient parfois tendues.

Après son arrivée au pouvoir fin 2011, Kim Jong-un a attendu plus de six ans avant de se rendre en Chine, mais s’est ensuite entretenu à plusieurs reprises avec le président chinois Xi Jinping. Pékin considère que le Nord fait partie intégrante de sa sphère d’influence.

« Message indirect »

Yang Moo-jin, professeur à l’Université des études nord-coréennes, estime que ces tirs « ressemblent à un message indirect de la Corée du Nord et même à une demande adressée à Pékin pour que la péninsule coréenne soit traitée par la Chine comme un dossier prioritaire ».

« Dans le même temps, Pyongyang semble affirmer et souligner que la Corée du Nord prend la tête sur le dossier de la péninsule coréenne », a-t-il ajouté.

Environ 28 500 soldats américains sont déployés en Corée du Sud, et Washington a réaffirmé mercredi son engagement « inébranlable » envers la défense de Séoul et Tokyo.

Pyongyang est actuellement plus que jamais isolé depuis la fermeture de ses frontières en début d’année dernière pour empêcher la propagation du coronavirus.

Ses pourparlers avec les États-Unis sont dans l’impasse depuis l’échec du sommet de 2019 à Hanoi entre Kim Jong-un et le président américain de l’époque Donald Trump.

Depuis l’arrivée de Kim Jong-un à la tête du pays, les programmes en matière d’armement ont progressé, mais Pyongyang n’a procédé à aucun essai nucléaire ou tir de missile balistique intercontinental depuis 2017.