(Tokyo) Du célèbre carrefour de Shibuya à Tokyo à la plus reculée des îles d’Okinawa, les rues japonaises ont un point commun : des marquages jaunes en relief sur le sol, destinés à guider les personnes aveugles et malvoyantes.

Ce pavage tactile, aussi connu sous le nom de « blocs tenji » (tenji signifie braille en japonais), a vu le jour il y a plus de 50 ans dans l’Archipel afin d’aider les personnes atteintes de déficience visuelle dans leurs déplacements.

Installés le plus souvent dans les stations de métro, aux abords des passages piétons et devant les bâtiments publics, ces marquages sont de deux types : avec des bosses rondes signalant un feu de circulation, une entrée ou le bout du quai d’une gare, ou avec des lignes parallèles permettant de se diriger.

« Avancer le long de ces lignes me permet de m’assurer que c’est un endroit sûr pour marcher », explique Toyoharu Yoshiizumi, un responsable de la Fédération des aveugles du Japon, qui effectue chaque jour un trajet de 40 minutes jusqu’à son lieu de travail grâce à ces indications précieuses.

« Les routes ne sont jamais toutes droites », souligne M. Yoshiizumi, qui a perdu la vue à l’âge de 12 ans. « Grâce à ces blocs de guidage, je me sens en sécurité ».

Des codes QR pour s’orienter

Ces guides tactiles aujourd’hui omniprésents au Japon ont été créés dans les années 1960 par Seiichi Miyake, un inventeur de l’ouest du pays qui un jour a vu une personne aveugle marchant avec une canne manquer de peu d’être heurtée par une voiture.

Il décide alors de plancher sur un système pour améliorer la sécurité des personnes ayant une déficience visuelle, et les premiers blocs tenji sont inaugurés en 1967 à un carrefour près d’une école pour aveugles d’Okayama.

Trois ans plus tard, ces marquages jaunes, la couleur la plus facilement discernable par les malvoyants, sont adoptés par un quartier de Tokyo.

Grâce aux efforts de M. Miyake, les blocs tenji se sont depuis généralisés dans tout le pays et se sont parfois exportés, comme à Londres ou Sydney.

Mais un problème subsistait : l’impossibilité pour leurs utilisateurs de s’orienter vers leur destination seulement avec les marquages au sol.

Pour le résoudre, une application pour téléphone intelligent a été lancée cette année. En scannant des QR codes, elle permet de se faire indiquer grâce à une voix artificielle la direction à suivre et la distance à parcourir.

« Beaucoup d’informations sont obtenues par la vue, mais les personnes atteintes de déficience visuelle n’y ont pas accès », constate Yuichi Konishi, patron de LiNKX, le développeur de cette application nommée shikAI. « Nous voulions y remédier avec la technologie ».

L’opportunité des Paralympiques

Les utilisateurs de shikAI, pour l’instant disponible dans neuf stations de métro tokyoïtes, peuvent choisir d’être orientés vers un train, une sortie précise ou des toilettes publiques.

Des accidents impliquant des personnes malvoyantes continuent malheureusement à se produire. L’an dernier à Tokyo, un homme est ainsi mort après être tombé sur la voie ferrée et avoir été percuté par un train.

Les compagnies ferroviaires ont mis en place ces dernières années des parois le long des quais, et les passages piétons équipés d’un signal auditif se généralisent, mais M. Yoshiizumi note aussi une amélioration dans les comportements.

« Je pense que l’ouverture vis-à-vis des personnes ayant un handicap s’est considérablement améliorée », estime-t-il. « Quand je marche dans une gare, les employés me parlent bien sûr, mais ces derniers temps des passagers me proposent très souvent leur aide pour me guider ».

Il espère que les Jeux paralympiques, qui se déroulent à Tokyo jusqu’au 5 septembre, seront une opportunité de sensibiliser encore davantage les Japonais au handicap.

« Les gens pensent qu’à cause du handicap on ne peut pas faire ceci ou cela », mais « j’espère qu’en regardant les Jeux, cette perception changera et qu’ils comprendront qu’on peut faire beaucoup de choses ».  

« Cela rendrait le monde plus facile à vivre pour les personnes en situation de handicap ».