(Pékin) La Grande Barrière de corail est prise dans les tirs croisés d’une querelle diplomatique entre l’Australie et la Chine.

Le dirigeant chinois qui préside la rencontre annuelle du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO a défendu la décision de l’agence onusienne de classer « en danger » la Grande Barrière de corail, alors que l’Australie soupçonne la Chine d’avoir influencé cette décision à des fins politiques.

Le comité, qui se rencontre à la fois en ligne et dans la ville chinoise de Fuzhou pour les deux prochaines semaines, examinera une ébauche de la décision vendredi.

Tian Xuejun, le vice-ministre chinois de l’Éducation qui préside la rencontre cette année, a demandé à l’Australie de s’acquitter de sa responsabilité de protéger le patrimoine mondial au lieu de lancer des « accusations sans fondements » contre les autres États.

Le comité de l’UNESCO examinera l’ajout de certains sites à la liste du patrimoine mondial, le retrait d’autres, ou encore l’ajout de certains à la catégorie « en danger ». La proposition d’ajouter Venise à cette catégorie a incité le gouvernement italien à interdire les navires de croisière dans le lagon, afin d’échapper à cette désignation.

M. Tian a dit que la proposition concernant la Grande Barrière de corail découle de données australiennes et des recommandations d’un comité consultatif.

La ministre australienne de l’Environnement, Susan Ley, qui est en Europe pour demander à des délégués de l’UNESCO de ne pas appuyer la désignation « en danger », n’a pas immédiatement répondu aux critiques chinoises. Son bureau a toutefois dévoilé un rapport de l’Australian Institute of Marine Science qui démontre que la Grande Barrière de corail prend du mieux et que la couverture corallienne a augmenté depuis un an.

« La publication du rapport complet appuie notre position voulant que la proposition du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO ne repose pas sur les plus récentes informations », a dit Mme Ley.

L’Australie avait réagi avec colère à la publication de l’ébauche le mois dernier.

« La décision était incorrecte. Clairement il y avait de la politique là-dessous », avait dit Mme Ley, sans mentionner explicitement la Chine.

Les relations entre les deux pays se sont envenimées depuis quelques années. L’Australie a bloqué la technologie et les investissements chinois dans des infrastructures critiques, et la Chine a eu recours à des tarifs douaniers et à d’autres mesures pour réduire ses importations australiennes.

L’Australie avait été prévenue en 2014 qu’une désignation « en danger » était possible pour la Grande Barrière de corail, qui a été inscrite au Patrimoine mondial en 1981.

L’ébauche affirme que les projets à long terme pour l’Australie concernant la barrière — un réseau de 2500 coraux qui recouvre près de 350 000 kilomètres carrés — « nécessitent des engagements plus robustes et plus clairs, surtout en ce qui concerne une lutte urgente aux effets des changements climatiques ».

« Nous saluons les efforts australiens, mais le texte de l’ébauche de décision […] suggère de placer le site sur la liste du patrimoine mondial en danger en raison des menaces qui ont été identifiées », a dit Mechtild Rössler, la directrice du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Le directeur général adjoint de la culture pour l’UNESCO, Ernesto Ottone Ramírez, a expliqué qu’une classification « en danger » devrait être vue comme un appel à agir de la part de tous les États membres.

« Ça devrait être vu comme quelque chose de positif, et non pas, comme nous l’avons entendu des dirigeants d’autres pays, comme une punition, a-t-il dit. C’est comme ça que nous protégeons notre patrimoine pour les générations futures. »