(Rangoun) Les manifestations pour la démocratie se sont poursuivies lundi en Birmanie malgré la répression qui a fait plus de cent morts, dont des enfants, samedi, la journée la plus noire depuis le coup d’État militaire du 1er février auquel les États-Unis ont répondu par de nouvelles sanctions.

Les violences meurtrières commises par les forces de sécurité contre les Birmans qui réclament le rétablissement de la démocratie et la libération des anciens dirigeants arrêtés par l’armée n’ont pas cessé pour autant.

Encore des morts lundi

Trois personnes ont ainsi été tuées, dont un homme de 20 ans par balle, lundi à Rangoun, la capitale économique, ont raconté à l’AFP des membres des services d’urgence.  

Une autre a péri au nord-est de cette ville, à Bago, ont annoncé sans autres précisions les médias d’État, selon lesquels un policier a par ailleurs perdu la vie à Mandalay, dans le centre, après avoir été transformé en torche humaine par des contestataires.    

Non loin de là, à Plate, des centaines de Birmans ont manifesté avec des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « le peuple ne sera jamais vaincu ».

Dans la région de Sagaing, également dans le centre, une foule importante a rendu hommage à Thinzar Hein, une étudiante infirmière de 20 ans abattue samedi en allant aider des secouristes à soigner des manifestants blessés.

Journalistes arrêtés

Et deux journalistes ont été interpellés à Myitkyina, la capitale de l’État Kachin, portant à 55 au total le nombre des reporters arrêtés depuis le putsch, dont 25 restent détenus, selon une organisation locale.  

L’ONU a évalué à 107, dont sept enfants, et des médias birmans à 114 le bilan des morts samedi pendant les actions de protestation massives organisées contre la junte qui fêtait la traditionnelle « journée des forces armées ».  

La chaîne Myawaddy TV, gérée par les militaires, a quant à elle affirmé que les manifestants avaient fait usage d’armes à feu et de bombes.  

Plus de 450 personnes ont été tuées, dont 13 encore dimanche, depuis le coup d’État, d’après les derniers chiffres fournis par l’Association pour l’assistance aux prisonniers politiques (AAPP).

Nouvelles sanctions

Face à cette situation qualifiée d’« absolument scandaleuse » par le président Joe Biden, Washington a annoncé lundi la suspension immédiate de l’accord-cadre sur le commerce et les investissements conclu en 2013 avec la Birmanie, et ce jusqu’au rétablissement d’un gouvernement « démocratiquement élu ».

Londres a pour sa part demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU sur la Birmanie, qui se déroulera mercredi à huis clos.

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, pour lequel les violences sanglantes du week-end sont « absolument inacceptables », a à cet égard exhorté la communauté internationale à « plus d’unité » et « plus d’engagement » pour faire pression sur les généraux qui ont renversé Aung San Suu Kyi.

« La violence et les heurts sanglants ne répondent aux intérêts d’aucune des parties » a de son côté mis en garde le ministère chinois des Affaires étrangères, insistant sur le fait que « les victimes sont les Birmans ».

Au lendemain de la condamnation par l’Union européenne d’« une escalade de la violence inacceptable », la France a dénoncé lundi « la violence aveugle et meurtrière » du régime et exigé la libération « sans condition et immédiatement tous les prisonniers politiques », tandis que le Kremlin s’est inquiété du nombre « croissant » des morts.

Dans un communiqué commun inhabituel, les chefs des forces de défense de 12 pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon et l’Allemagne, avaient quant à eux fustigé l’utilisation de la force par l’armée birmane contre des civils « non armés ».

Condamnations et sanctions internationales ne semblent toutefois guère influencer la junte : son chef, le général Min Aung Hlaing, a averti samedi que les actes de « terrorisme qui peuvent nuire à la tranquillité et à la sécurité de l’État sont inacceptables ».

Fuir les combats

Quelque 3000 personnes ont par ailleurs fui dimanche soir de nouvelles frappes aériennes dans l’État Karen (sud-est) en traversant la frontière thaïlandaise. Ces raids, les premiers en vingt ans, ont visé ce week-end l’Union nationale karen (KNU), l’un des principaux mouvements de rébellion des minorités ethniques, faisant quatre morts.

Le premier ministre thaïlandais Prayut Chan-o-Cha a à ce sujet assuré lundi que l’armée de son pays se préparait à de nouvelles arrivées de Birmans.

« La Thaïlande va les traiter comme des personnes fuyant des combats, ce qui signifie qu’ils seront autorisés à rester provisoirement jusqu’à ce qu’elle décide à nouveau de les expulser », a expliqué à l’AFP le directeur adjoint pour l’Asie de l’ONG Human Rights Watch, Phil Robertson.

A Londres, le ministère des Affaires étrangères a conseillé lundi aux Britanniques séjournant en Birmanie de partir le plus tôt possible. La veille, l’ambassade des États-Unis à Rangoun avait demandé aux Américains d’y limiter leurs déplacements.