(Canberra) Une femme reconnue coupable d’avoir étouffé ses quatre enfants sur une période de dix ans a été déboutée mercredi par un tribunal d’appel de Sydney devant qui elle contestait les conclusions d’un rapport qui assure que les petites victimes ne sont pas mortes de causes naturelles.

Un nombre croissant de scientifiques estiment que Kathleen Folbigg est victime d’une erreur judiciaire, mais plusieurs considèrent toujours qu’une telle succession de morts ne peut être le fruit de la malchance.

Le tribunal de la Nouvelle-Galles-du-Sud a refusé de se pencher sur la décision d’un juge « qui rend sa culpabilité dans ces crimes encore plus certaine ».

Une demande de pardon soumise ce mois-ci au gouverneur de l’État représente maintenant son dernier espoir d’une libération anticipée. La condamnation de Mme Folbigg ne serait pas annulée, mais elle serait remise en liberté.

Cette demande a été signée par une centaine de chercheurs, de spécialistes médicaux et d’autres professionnels, dont deux lauréats du prix Nobel.

La femme de 53 ans a été reconnue coupable en 2003 du meurtre de trois de ses enfants et de l’homicide du quatrième. Elle nie systématiquement sa culpabilité. Elle a été condamnée à 30 ans de prison, avec une peine minimum de 25 ans à purger avant d’être admissible à une libération conditionnelle.

Elle a levé les yeux au ciel mercredi quand elle a entendu la décision des juges par visioconférence, depuis la prison.

« La décision d’aujourd’hui et la demande de clémence attirent l’attention de plus de gens que jamais envers cette affaire importante, et plusieurs personnes se demandent avec justesse comment nous nous en sommes rendus ici », peut-on lire dans un communiqué écrit par une amie de Mme Folbigg, Tracy Chapman.

« Plusieurs regards internationaux se tournent vers cette affaire et plusieurs Australiens demandent avec raison pourquoi Kath est toujours en prison après 18 ans, quand les preuves scientifiques de son innocence se multiplient. »

Ses avocats estiment que la défaite en appel ne devrait avoir aucun impact sur la demande de pardon.

Aucun des quatre enfants de Mme Folbigg n’a survécu jusqu’à l’âge de deux ans.

Son premier enfant, Caleb, est décédé 19 jours après sa naissance en 1989 ; elle a alors été reconnue coupable d’homicide. Son deuxième fils, Patrick, est mort à l’âge de huit mois, en 1991. Deux ans plus tard, Sarah est morte à dix mois, puis Laura est morte à 19 mois en 1999. Mme Folbigg a été la première à arriver sur la scène de chaque tragédie.

Une autopsie a constaté que Laura souffrait d’une myocardite, une inflammation potentiellement mortelle du muscle cardiaque. Mais compte tenu de la mort des trois autres enfants, un médecin légiste a indiqué que la cause du décès était « inconnue ».

Patrick souffrait d’épilepsie et son décès avait été attribué à une obstruction des voies respiratoires causées par des convulsions. Les deux autres décès avaient été attribués au syndrome de mort subite du nourrisson.

Les avocats de Mme Folbigg ont expliqué au tribunal lors de son procès qu’il y avait une explication médicale pour chaque décès. Le larynx de Caleb était anormal et Sarah présentait une luette engorgée qui aurait pu obstruer ses voies respiratoires.

Mme Folbigg n’a pas témoigné lors de son procès. Elle a toutefois témoigné pendant près de trois jours lors d’un examen judiciaire en 2019, après qu’un médecin légiste eut conclu que les enfants étaient probablement morts de causes naturelles et que rien ne démontrait qu’ils avaient été étouffés.

Le juge responsable de cet examen avait aussi entendu des experts dire que les fillettes présentaient une mutation génétique anormale associée à un rythme cardiaque irrégulier et à une mort subite chez les enfants, et que leurs décès pouvaient avoir été causés par des infections dont elles souffraient à ce moment.

L’an dernier, les conclusions de 27 scientifiques concernant la mutation génétique des fillettes et sa validation fonctionnelle ont été publiées par le journal de cardiologie Europace.

Les preuves contre Mme Folbigg étaient circonstancielles. Elles s’appuyaient entre autres sur des écrits vagues dans ses journaux intimes, dont un qui a été remis à la police par son ancien mari Craig Folbigg.

On pouvait par exemple y lire : « Clairement, je suis la fille de mon père ». Son père a poignardé sa mère à mort en 1968, quand elle avait 18 mois.

Les trois juges de la cour d’appel ont estimé que les preuves présentées lors de l’examen judiciaire en 2019 étaient suffisantes pour conclure à sa culpabilité.

« Il ne s’agit pas d’un dossier dont […] les conclusions contredisent les preuves scientifiques », ont écrit les juges au sujet des conclusions de 2019.

Mais les signataires de la demande de pardon ne sont pas d’accord.

« Il est très préoccupant qu’il n’existe aucun mécanisme pour considérer adéquatement toutes les preuves médicales et scientifiques dans une affaire comme celle-ci », a dit John Shine, le président de l’Académie australienne des sciences.

« Il y a maintenant une explication alternative pour le décès des enfants Folbigg qui ne dépend pas de preuves circonstancielles », a-t-il ajouté.