(Rangoun) Au moins un manifestant a été tué dimanche en Birmanie dans des manifestations contre le coup d’État militaire qui se poursuivent au lendemain d’un vibrant appel à la résistance contre cette « dictature injuste » lancé par un dirigeant de l’opposition.

« Il faut que le soulèvement l’emporte », déclare Mahn Win Khaing Than, dans une vidéo publiée samedi soir sur la page Facebook du CPRH, le Comité pour représenter le Pyidaungsu Hluttaw – l’Assemblée de l’Union, organe législatif birman –, un Parlement fantôme constitué par d’ex-députés élus passés à la clandestinité pour la plupart.

« C’est le moment le plus sombre de la nation et la lumière de l’aube est proche », poursuit M. Than, un ancien président du Parlement qui a été désigné par le CRPH la semaine dernière comme vice-président par intérim et dirige à ce titre le gouvernement d’union, selon le comité.

« Il s’agit aussi du moment qui teste nos citoyens pour voir à quel point nous pouvons résister à ces temps obscurs », ajoute-t-il.

Mahn Win Khaing Than est un haut responsable de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi dont le gouvernement civil a été renversé par les militaires le 1er février.  

Depuis la prise du pouvoir par une junte militaire, des manifestations se poursuivent quotidiennement pour réclamer le retour de la démocratie et la libération d’Aung San Suu Kyi. Elles sont durement réprimées par les forces de l’ordre, avec des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc, mais également des balles réelles.

La répression a fait plus de 80 morts, estime un groupe local qui comptabilise les victimes.  

La junte dit avoir été contrainte de s’emparer à nouveau du pouvoir en alléguant de nombreuses fraudes aux élections de novembre, remportées haut la main par la LND. Elle a averti que la formation du CRPH s’apparentait à une « haute trahison », passible d’une peine maximale de 22 ans de prison.

Nouvelles violences

De nouvelles violences ont éclaté dimanche durant une manifestation à Hpakant dans l’État Kachin, ville connue pour ses mines de jade. Un homme a été tué par balle, selon un médecin et un média locaux.

« Kyaw Lin Hteik est mort en arrivant à l’hôpital », a déclaré le médecin sous couvert de l’anonymat, « il avait une blessure par balle sur le côté droit de la poitrine et avait perdu trop de sang ». Il a ajouté que trois autres personnes touchées par des balles en caoutchouc avaient été transférées à Myitkyina, capitale de l’État Kachin.

Dans tout le pays, le nombre croissant de morts n’a pas dissuadé les manifestants. Dimanche, des occupations des lieux ont été organisées à Rangoun, la capitale économique, des marches se sont déroulées à Dawei et des fonctionnaires ont brandi le portrait de Mme Suu Kyi lors d’un rassemblement à Monywa.  

« Que les héros qui ont donné leur vie à cette révolution du printemps reposent en paix ! », ont scandé les manifestants, portant des casques de chantier, dans le quartier de Thaketa à Rangoun où deux hommes ont été tués dans la nuit de vendredi à samedi après une manifestation devant le commissariat réclamant la libération d’habitants arrêtés par la police.

Selon le journal étatique Nouvelle Lumière de la Birmanie, les forces de sécurité avaient lancé des « tirs d’avertissement » pour disperser la foule et « une enquête est en cours sur les causes du décès » des deux hommes.

Des coups de feu ont pu être entendus dimanche dans au moins deux sites-phares de la contestation, le carrefour de Hledan et le quartier de Hlaing Tharyar.

« Démocratie fédérale »

L’allocution diffusée samedi soir par le CRPH constituait la première apparition de M. Than en tant que vice-président par intérim du CRPH.

Avec d’autres alliés de Mme Suu Kyi, il avait été placé aux arrêts domiciliaires au moment du coup d’État du 1er février, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP).

Il a fait écho samedi à la demande des manifestants anti-coup d’État en appelant à une « démocratie fédérale » dans laquelle toutes les minorités ethniques du pays pourraient jouer un rôle.  

« Ce soulèvement est aussi l’occasion pour nous tous de lutter main dans la main pour établir une union démocratique fédérale que nous tous, frères et sœurs ethniques qui avons souffert de diverses formes d’oppression de la dictature militaire, désirons depuis longtemps », a-t-il assuré.

« L’union de la démocratie fédérale […] nous attend dans un avenir proche si nous avançons unis et invincibles », a-t-il encore dit.